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Le patron qui avait de la merde dans les yeux

Le patron qui avait de la merde dans les yeux
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27 mai 2011

Epilogue

 

Cet essai pour dénoncer les agissements de ces soit disant patrons et témoigner du danger qu’ils représentent pour leurs employés. C'est cette catégorie de patrons qui nous séquestre dans ce schéma pestilentiel d'un monde du travail impitoyable, synonyme d'exploitation et d'aliénation, où le patron tel un caïd, agit sans foi ni loi. Il va sans dire que ceux-là ont une piètre connaissance du droit du travail. Ce sont ces mêmes patrons qui prétendent appliquer un management résolument moderne et intègre. Ils poussent l'arrogance jusqu'à affirmer instaurer un climat professionnel propice à leurs employés. Et ils en sont si fiers.

J'aurais voulu que mon expérience personnelle, celle d'une femme exploitée et pour finir que l'on a cherché à faire culpabiliser d'avoir eu des enfants, serve à faire évoluer les mentalités et la culture d'entreprise. N'existe t il pas une alternative aux réunions tard le soir qui sont souvent une difficulté pour de nombreuses femmes? Il est grand temps de repenser le concept du travail et d'utiliser les progrès techniques pour que le présentéisme ne soit plus synonyme d'efficacité dans notre société. Il est urgent de moderniser les esprits de certains patrons qui n'arrivent pas à se défaire de l'idée qu'un salarié qui n'est pas au bureau est un salarié qui ne travaille pas. Il n'y a qu'à voir aux Etats-Unis, qui sont les leaders mondiaux du télétravail et des utilisateurs chevronnées de nouvelles technologies, où les mentalités sont largement plus ouvertes qu'en France pour accompagner le patron et le salarié vers une nouvelle organisation du travail. Mais là je m'égare...

Bref, c'en est assez de ces patrons qui ruinent la vie d'autrui sans aucun scrupule et qui sont tout juste montrés du doigt, certes peut-être suffisamment pour calmer l'opinion. Force est de constater que dans ce monde capitaliste, l'obligation du profit est plus forte que tout alors ils ne craignent rien et se pavanent sur leur trône.

Des patrons compétents sachant encadrer avec humanité, il y en a. Je veux y croire. Je veux croire qu'il existe des environnements de travail sains, stimulant et épanouissant. Je veux croire que ces patrons voyous se verront un jour destitués de leur fonction et qu'on les empêchera de nuire. A tout ça je veux y croire.

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27 mai 2011

Lettre ouverte à Jackie

 

J'ai tenté vainement de comprendre pour excuser tes actes et tes propos. J'ai tenté de faire preuve de psychologie : sans doute, comme tout le monde, avais-tu de vieux démons à gérer. Mais rien n'y fait. Cela ne justifie pas la tyrannie. On ne pardonne pas à un psychopathe d'avoir tué sous prétexte qu'il a vécu une sale enfance.

 Tu m'as rabaissée au point de me faire perdre confiance en moi. Tu m'as manipulée, mentie et tu as déformé la réalité pour me faire douter de mes capacités. Tout ça parce que j’ai osé une seule fois te tenir tête et te dire quelques vérités. Je l’ai payé cher et longtemps. La rancune aussi tenace dans un contexte professionnelle et venant d’un patron, c’est inapproprié et bassement infantile. Et quelle conception catastrophique du management.

 Tout en toi est artifice. Tu rêverais de savoir faire avec l'Autre, de savoir gérer les relations humaines. Mais tu es une « handicapée du coeur » (je me permets de reprendre ton expression favorite lorsque tu parles de ta mère). Tu ne sais pas faire. Et au risque de te surprendre, tu ne trompes personne ou alors pas très longtemps. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi décrié. Tu n'inspires que peur et méfiance. Je te plains.

 Au fond, tu me rappelles ces enfants qui cherchent à tout prix à être les plus forts et les plus beaux, et qui s'entourent de ceux qu’ils croient plus petits qu'eux pour être le chef de bande. Tout ça parce qu'ils développent déjà un gros complexe d'infériorité...eux, ils ont l'excuse de l'enfance.

Je me demande encore comment tu peux occuper un poste de ce niveau ? Car il faut à mon humble avis faire preuve d’un peu d'humanité pour réussir à être un bon patron. L’obligation du profit étant plus forte que tout, tu ne crains pas grand-chose va.

 Mais la réalité est que tu fais partie de cette catégorie de patrons qui séquestrent ses employés dans ce schéma pestilentiel d'un monde du travail impitoyable, synonyme d'exploitation et d'aliénation, où le patron tel un caïd, agit sans foi ni loi. Il va sans dire que ceux-là ont une piètre connaissance du droit du travail. Ce sont ces mêmes patrons qui prétendent appliquer un management résolument moderne et intègre. Ils poussent l'arrogance jusqu'à affirmer instaurer un climat professionnel propice à leurs employés. Et ils en sont si fiers.

En cherchant à comprendre je réalise que tu n’es même pas une femme malheureuse, ce serait faire insulte à toutes les femmes qui le sont, mais juste une perverse. Tu te sens plus forte lorsque tu dénigres tes employés. Tu veux tellement briller. Et pour cela tu n'hésites pas à diviser pour mieux régner allant colporter des mensonges auprès des uns et des autres.

 Tu es incapable de considérer l’Autre. Tu te considères tellement au dessus. Tu te fous de tout et profite de Tous. Sans doute ne comprendras-tu rien à tout ce que je viens de dire, c'est ton mode de fonctionnement. Ne pas regarder la réalité en face. Ca te fait trop peur. Tu ne te remettras jamais en question et c'est bien triste pour tous ceux qui croiseront ton chemin. Et lorsqu'on ose te confronter pour te parler de ton management pourri, tu refutes et balayes le tout d'un élégant "enfin, j'ai quand même pas de la merde dans les yeux?!"

Cette lettre ne te sera d’aucun usage et ça n'est d'ailleurs pas le but. Tu hausseras les épaules et retourneras à la médiocrité  et à cette violence sournoise dans lesquelles tu te complais. Ton comportement, cette proximité que tu imposes sournoisement, cette façon que tu as de forcer la main à tes employés pour instaurer un rapport extra professionnel, ça n’est pas sain. Tout ça n'est que mensonge et tes actes en apparence généreux ne sont dictés que par ta pulsion manipulatrice. Moi je serai restée « authentique » jusqu’au bout. C’est là notre différence.

Alors au nom de tous ceux que tu as humiliés et blessés un jour, puisses-tu ne jamais atteindre ces valeurs dont tu parles si souvent. L’intégrité, l’authenticité, la générosité, l’humanité, tu y es totalement étrangère. 

 

27 mai 2011

Conclusion : Jackie, un cas psy

 

Jackie c'est une grande tige, la quarantaine mal assumée, inapte aux relations humaines. C'est vrai qu'elle est grande ma Jackie. Au moins 1m75. De quoi vous impressionner. Sans doute Dame nature en a voulu ainsi pour compenser sa petitesse d'esprit.

Biographie : Jackie aurait eu une enfance pas très envieuse. Maman acariâtre et tyrannique (tiens, tiens...). Absence de père. Etant la cadette, elle avait une position un peu bâtarde, obligée de se faire une place dans la fratrie. C'est tout. Du banal quoi mais cela a suffi pour faire de Jackie une serial harceleuse et dictatrice par la même occasion.

Je disais donc, la quarantaine mal assumée. Un look « d'jeuns » pseudo rock'n'roll (bah oui, tu bosses quand même pour Poulopo, c'est l'univers de la moooode!), tu portes beaucoup de noir, tes jeans sont parfois trop courts pour tes longues cannes. Il t'arrive de tenter le blouson de cuir (rock'n'roll of course!) ou la robe courte Ikks ou Marité François Girbaud. Amples tes fringues, amples....comme pour essayer de te cacher en dessous. Mais tout ce que tu portes aussi précieux soit-il perd de sa superbe à ton contact. Tu as ce petit quelque chose qui rend les objets de valeurs quelconques sur toi. Comme cette pauvre montre en bracelet céramique noire de chez Chanel! A ton poignée on la croirait achetée à 10€ sur ces stands devant les Grands magasins.

Ton maquillage, qu'on devine vite expédié le matin devant ton miroir, rend ton regard obscur et sévère. Mais au fond quelle tristesse dans ce regard! Dis, tu nous ferais pas un complexe d'infériorité Jackie?

Exemple : ahh, je le vois bien Jackie, la façon dont tu détailles les jeunes candidates aux postes de super vendeuses pour Poulopo! Jamais assez bien. Jamais assez chic, jamais assez, jamais jamais!! Pas qu'avec les vendeuses d'ailleurs. La femme, Jackie est ton ennemi. Toujours un détail qui cloche chez l'une ou chez l'autre. C'est une qualité ça Jackie, tu sais, d'être sacrément observatrice. Ta comptable : les dents dégueulasses. Ta responsable de boutique : un style pourri. Ta secrétaire commerciale : alors là, tout à revoir, des cheveux aux fringues en passant par la personnalité. Mais elle fera l'affaire pour porter des cartons disais-tu. Je ne peux pas m'empêcher de vous avoir trouvé très durs quand D.A. et toi avez dit qu'elle était une brave fille qui allait chercher le "nonosse" quand on le lui lançait (si si vous l'avez dit!).

Jackie en plus d'être brillante elle est supra ultra hyper active! En vacances, elle trouvait même le temps d'appeler au bureau 50 fois par jour pour le dossier X ou Y et vous assommer de boulot à distance.

Jackie, tu as toujours su manipuler l'autre jouant systématiquement sur l'affect dans toutes tes relations pro. – Affect, relations pro, y'a comme une antinomie quelque part - Pour convaincre que tu n'es pas un chef comme les autres. Pour faire croire que tu es généreuse, ouverte, proche de nous, présente (un peu trop peut-être?). Tu donnes mais seulement dans le but de pouvoir mieux cerner et manipuler l'autre. Parce qu'on finit par rendre devant tellement de...gentillesse? Et tu te vantes auprès des plus naifs d'avoir fait preuve de coeur...foutaises!

D'ailleurs tu m'as invitée à déjeuner chez toi quand tu me sentais sur le point de revendiquer. Ta comédie m'a amadouée...un temps. Tu m'augmentais ou tu me congratulais à chaque fois que tu sentais se manifester la syndicaliste en moi. Tu me mettais dans la confidence sur certains dossiers top secret du Groupe. Tu me dévoilais quelques détails sur ta vie perso (j'en demandais vraiment pas tant!), tu me confiais un « super top dossier bidon » qui savait me flatter, et voilà, tout doux, gentille assistante...tu peux continuer à apairer les godasses? Le dossier super top il attendra quelques mois, c'est pas urgent.

Tu as ton propre concept de la générosité...la générosité intéressée, pour nous garder en laisse. Ahhh la la Jackie, sur ce coup là, tu as fait fort parce que je suis tombée dedans comme une bleue! Tu m'as embrouillée le cerveau...ah oui oui. J'y ai cru moi à tout ça. T'admirais moi. Te trouvais tellement bienveillante.

 

Le Dr. Jekyll et Mr. Hyde en Jackie

Au fil du temps passé chez Poulopo, à observer Jackie, à la voir tantôt agréable, tantôt terrifiante,  le constat suivant s'est imposé à moi comme une évidence : Jackie est un personnage en proie à un certain mal être,instable et qui ne sait pas gérer ses émotions.

Le Dr. Jekyll en Jackie

Partons du principe que Jackie et vous ça colle au premier abord. Alors là vous êtes, je cite « top ». Rien à redire. Jackie vous stimule, vous complimente, vous donne envie d'en faire toujours plus. Parce qu'elle croit en vous et ça se voit. Débute alors une relation basée sur la confiance. Vous gérez votre journée de travail comme bon vous semble. Et vous êtes d'un professionnalisme sans reproche. Comment peut-on décevoir Jackie? Vous travaillez dans la meilleure des boîtes parce que vous arrivez et partez quand vous voulez. En général, vous restez plutôt très tard parce que vous avez une telle implication dans votre travail. Vous êtes dans la meilleure des boîtes parce que votre boss est toujours disposée à vous répondre et toujours prête à vous apprendre tout plein de choses. La meilleure des boîtes parce que Jackie vous parle comme à un égal. Elle vous demande votre avis sur tout : le dossier Poulaillé de Poulopo, le projet marketing Canarry, son régime pour perdre 2 kilos, le futur cadeau d'anniversaire ou de St Valentin de D.A...Alors vous vous sentez considéré. La meilleure des boîtes parce qu'on se dit tout et qu'on est au courant de tout, comme dans une famille : les disputes de « pôpa » et « môman », pôpa qui en a marre de môman et qui le dit à qui veut l'entendre, môman et son humeur  versatile, les querelles des enfants,...La meilleure des boîtes parce qu'on fait des déjeuners d 'équipe pour renforcer l'esprit d'équipe justement. Chacun a le droit à la parole sous l'oeil "bienveillant" de Môman. On fait un tour de table et on parle de son travail en cours pour que tout le monde soit impliqué : "cette semaine, j'appaire 1200 chaussures...si quelqu'un veut bien m'aider...." "euh bah moi je réponds au courrier des clients" "moi je réponds au téléphone quand il sonne". Jackie gâte ses « enfants » en leur donnant des récompenses quand ils ont bien travaillé : on a eu droit à un massage parce que les résultats de Poulopo étaient bon. Elle sait vous caresser dans le sens du poil quand il le faut...

Le Mr. Hyde en Jackie

Mais en réalité Jackie c'est une redoutable manipulatrice sous ses airs de chef modèle. A force de nous jeter de la poudre aux yeux, Jackie a fini par être en rupture de poudre...alors on la devine sous son masque cherchant à asservir tout son monde. Quand vous êtes faible et disons le franchement, un peu benêt, vous n'avez pas grand chose à craindre. Vous êtes serviable et pas franchement une menace pour l'ego de Jackie. En revanche, quand vous êtes bien dans vos baskets et qu'en plus vous n'êtes pas trop nouille, alors tremblez...Tant que vous dites Amen à tout ce que Jackie vous demande, ça va encore...par contre, si vous exprimez un désaccord, une opinion différente et qu'en plus étalez votre épanouissement personnel alors là Jackie ne supporte pas. Ca la rend malade je crois. Alors elle cherche vos points faibles - vous vous souvenez? Jackie qui vous raconte sa vie perso et qui vous pose des questions sur la vôtre en retour? - , elle vous blesse dans votre pudeur (toujours l'air de rien), elle vous rend coupable d'avoir agi autrement que vous ne l'auriez dû, elle vous fait vous sentir différent de l'équipe. Alors vous commencez à douter de vous...

Et dans le boulot ça se traduit par une exigence exacerbée, encore plus de travail, de nouveaux projets, une insatisfaction face à vos résultats (alors qu'auparavant ces mêmes résultats étaient irréprochables), une irritabilité sous-jacente devant votre présence...des coups de gueule sans raison et toujours en prenant soin à ce qu'il n'y ait pas de témoin. Vous finissez par vous sentir isolé...

Voyez-vous, Jackie elle adore être au centre de l'attention. Et elle l'est toujours...parce que comme tout le monde la craint, on marche sur des oeufs quand on s'adresse à elle ou on lui lèche les bottes (tu avais en conscience j'espère Jackie?). Combien de fois ai-je entendu ces pauvres gens venir en rendez-vous avec la Reine Mère me demander dans l'ascenseur qui mène a son trône, d'un air inquiet ou parfois lassé, de quelle humeur elle est? Puis, une fois devant Jackie, on s'incline et commence alors un numéro mielleux de flatteries, courbettes en tout genre parce qu'elle terrorise tout le monde pardi!!! C'est drôle cette complicité implicite qui s'instaure naturellement parmi nous tous grâce à Jackie. Si elle savait que personne ne l'apprécie...

 

27 mai 2011

Le retour

 

 

La suite est plutôt heureuse malgré un accouchement difficile et prématuré à 6 mois et demi de grossesse. Bébés en couveuse et hospitalisés 2 mois. Une période assez difficile à traverser vous vous en doutez. Mais les bébés sont finalement là et on s'affaire autour d'eux. L'espace de quelques mois rien d'autre n'existe. La famille s'est agrandit et papa-maman, heureux.

Vivent les nuits blanches, les cacas qui puent et les 12 biberons par jour !

Une fois ces mois difficiles derrière nous, la date de retour de congé mat’ se rapprochant pour moi, je me décide à rendre visite à l'équipe Poulopo avec bébés et mari. Toute fière et contente de retrouver les collègues. C’était aussi la moindre des choses après tout le soutien que m’ont apporté mes collègues qui pour certains sont devenues des amis.

Les retrouvailles furent chaleureuses avec l’équipe.

Jackie elle, dès mon arrivée semblait mal à l'aise et encore moins spontanée que d’habitude. Le regard un peu fuyant.

 Elle a fini par réussir à me coincer dans un bureau avec un de mes bébés pleurant dans les bras, pour me sonder un peu sur mes projets professionnels. Avec le sourire toujours elle me bombarde de questions : « Ton poste a beaucoup évolué. Il est très lourd. Comment avec 2 enfants vas-tu gérer ton poste qui est devenu ultra supra chargé?! » Et voilà qu’elle me place, l'air de rien, que ma remplaçante était parfaite pour ce poste. Le moment était inapproprié pour entamer ce genre de discussion, tu ne trouves pas Jackie? J'avais mes gamins dans les bras...

Elle a commencé franchement à me mettre la pression avant même que je ne revienne. Je me suis justifiée comme je l’ai pu « euh bah nounou, assistante maternelle, le rôle du papa, euh, moi j’ai très envie de retravailler, j’attends que ça, euh… ». Comment font toutes les femmes qui ont des enfants ?????

Puis,  le même jour, son appel téléphonique incendiaire suite à ma visite avec mari et enfants a laissé beaucoup de traces dans les mémoires. Oui, car mes collègues ont tout entendu malgré eux et ont tremblé pour moi. Etait-ce justifié de me crier dessus comme elle l’a fait simplement parce que j'ai osé dire à D.A. que je ne lai pas trouvé très accueillante? Un peu démesurée comme réaction. Elle s’est acharnée à me menacer pour que je change ma personnalité "si" je revenais. Elle a exigé que je sois plus docile, que je ne râle pas devant la charge de travail, que je ne fasse pas 9-17 parce qu’à l’évidence elle privilégie le présentéisme à l'efficacité...

Son hystérie injustifiée au téléphone m’a complètement déstabilisée. Je ne savais pas quoi lui répondre. Que pouvais-je répondre de toute façon à ma patronne qui me hurle que ma remplaçante est à fond et ultra efficace, qu’elle est jeune et ambitieuse, qu’elle fait les plus lourds horaires…Avec le recul, j’ai compris le message plus tard. Ma remplaçante était plus jeune donc moins payée, plus jeune donc plus dispo pour faire les mêmes horaires que moi au début de mon « aventure » Poulopo. En résumé, Jackie ne voulait pas que je revienne.

 

Suite à cet épisode et lors de notre entretien formel quelques semaines avant ma reprise, alors que j'étais déjà à terre, Jackie a fini de m'achever (n'est-ce pas là la marque des grands?). Elle s’est attaquée à ce que j'avais de plus cher, osant utiliser mes enfants pour me rabaisser. Des reproches à ne plus savoir quoi en faire. J'ai rien vu venir, rien compris. Elle a osé me dire de prendre de la grandeur maintenant que je suis maman de 2 enfants. Ma personnalité, remise en question : pas assez mature à son goût, pas assez positive, pas dans l'esprit du reste de l'équipe, je suis en décalage par rapport à mes collègues, etc. « Je ne veux pas perdre un super élément comme Sabine qui s'est adaptée en 3 jours et qui fait partie maintenant intégrante de l'équipe. Et je ne veux surtout pas prendre le risque que je revienne si c'est pour faire un 4/5ème. Faire 9h-17h pour moi c’est un 4/5ème ! ».

Jackie m’a également reprochée d’avoir été absente de longs mois. Je n'étais certainement pas en congé sabbatique entrain de faire le tour du monde...ma grossesse difficile a vite été balayée de sa mémoire. La patronne sans coeur et dont l'unique intérêt est la bonne marche de son entreprise a sorti ses griffes.

J'ai été en colère, frustrée de ne pas avoir pu répondre. Je n'ai pas voulu parler sans réfléchir. User de sa position hiérarchique et exploiter mon statut d'employée ayant désormais 2 bébés à nourrir pour me déstabiliser c'est franchement à vomir. Petit, très petit. Mais pas étonnant de sa part.

J'ai donc repris le boulot quelques semaines après. Avec la boule au ventre et la désagréable sensation d'être prise au piège. J'ai immédiatement remarqué son changement d'attitude à mon égard. J'étais l'élément à abattre. Toujours de façon insidieuse, elle m’a fait ressentir que j'étais devenue indésirable. Ma remplaçante est toujours en poste et fait mon boulot. Elle part en rdv avec Jackie et moi je fais les cartons. Elle est idéale pour ce poste je l'ai bien compris. Pour un tas de raisons : la mule peut être chargée autant que Jackie le veut, elle ne s'en plaint pas, elle a besoin d'un boulot. Elle est payée nettement moins que moi et reste jusqu'à 20h tous les soirs. Et surtout, surtout, elle n’exprime jamais son désaccord. Elle obéit. Elle encaisse. Oui chef!

Jackie regarde sa montre systématiquement quand je pars le soir, pour me déstabiliser. Elle déboule maintenant dans mon bureau et se place derrière mon écran pour surveiller l'air de rien ce que je fais. Elle ne me parle pas des dossiers en cours mais de futilités : t'as perdu du poids? C'est en faisant quel régime? Tu me files du boulot que je qualifie de miettes de pain ou de cadeau empoisonné. Histoire de me pousser à bout.

Et bien elle a réussi. Comment dans ces conditions pouvais-je tenir le coup? Je rentrais chez moi le soir vidée d'avoir gardé la tête haute toute la journée. Je ne voulais surtout pas qu’elle me voit faiblir. Lui donner ce plaisir, non! J'enchainais ma deuxième journée le soir avec 2 trésors qui m'attendaient et qui sentaient leur maman stressée et à fleur de peau. J'ai fini par craquer devant cette fatigue physique et psychologique. C'est insupportable de se sentir piégée à ce point. Je reviens d'un congé maternité cauchemardesque et on me le fait payer en plus!

Je suis allée voir mon médecin. Je ne dormais plus. J'avais mal au dos, je pleurais tous les soirs. Je me sentais nulle, incapable de réussir quoi que ce soit. Je n'arrivais plus à m'occuper de mes enfants. Mon couple commençait à en pâtir. Alors la machine s'est arrêtée. Je ne voyais pas d'issue à mon histoire. Je doutais de moi. Et si c'était moi la fautive? Et si j'étais trop susceptible? Peut-être Jackie avait-elle raison? Je n'ai pas l'esprit d'équipe, je suis immature...et si, et si. Je suis tellement fatiguée.

J'apprenais les réactions de Jackie devant mes arrêts via les collègues. Les absents ayant toujours torts, Jackie s'est fait une joie de me faire passer pour la fumiste de service, celle qui ne respecte rien, qui n'a aucune conscience professionnelle, celle qui est trop faible pour gérer famille et boulot,...

Puis j'apprends que je ne suis pas la seule à être victime de son harcèlement moral. Oui car c'est bien de cela dont il s'agit. D'autres collègues qui vivent ce même cauchemar mais pour d'autres raisons. D'autres collègues à bout de nerfs. D'autres collègues qui prennent des médicaments ou qui font appel à de la médecine douce pour retrouver un peu de sérénité. Ca me rassure...je ne suis pas folle.

Quand je pense qu’elle a osé me confier un jour que sa plus grande satisfaction c'était d'offrir du travail et d'avoir une équipe...Euh si c'est pour leur bousiller la santé, abstiens toi. T'as pas bien compris le concept je crois. Ca ne me fait plus vraiment rire tes bobards.

Les semaines ont passé, je suis toujours en arrêt mais mon état d'esprit lui a changé. J'ai pris du recul. Je suis sortie de l'emprise psychologique que Jackie avait sur moi. J'ai décidé de me défendre et de préserver ma famille. J’ai pris un avocat.

Tu es allée trop loin.

27 mai 2011

D.A.

 

The Art Director

 

D.A., ça veut dire Directeur Artistique. On en avait un chez Poulopo. Accessoirement c'était le petit ami de Jackie. De l'intelligence, du coeur, de l'humour, de l'esprit. Celui là même qui lors de mon entretien a failli me faire piquer un fou rire.

Je l'aimais bien mon D.A. Au premier abord, il impressionne, il dégage une telle assurance et une telle culture. On se sent un peu petit. Il parlait si bien de la vie, je le trouvais juste à tout point de vue. Il était franc et ça c'est pas donné à tous.

On a vite sympathisé. Je le trouvais très différent de Jackie. Je lui trouvais une belle intelligence, celle du coeur.  Dans son discours tout semblait juste. On lui donnait raison pour tout, ou presque.

Il se confiait (plaignait) de plus en plus à moi...quand sa "copine" n'était pas au bureau. Alors je savais quand ils se faisaient la tête, quand elle avait piqué sa crise, où et quand ils partaient en week-end, quand c'était l'anniversaire de leursenfants, quand ils ont fait lit à part, quand ils se sont réconciliés...Puis de temps en temps, je sentais mon D.A. un peu lassé, un peu irrité. Moi, l'assistante modèle, je sais faire preuve de la plus grande discrétion, je ne posais jamais de questions, mais j'écoutais et j'enregistrais. Tout.

C'était quand même mon D.A. qui m'a appris que sa Jackie a été condamnée pour harcèlement moral. Son ancienne assistante qui ne se serait pas remise de sa cruauté...en arrêt plusieurs années et déclarée inapte à toute activité professionnelle... Ah, mais c'est à elle qu' appartiennent ces fiches de paye que Jackie a caché dans le fond du tiroir de mon bureau? Bon je vais ptêt les lui envoyer quand même...

D.A.me racontait que Jackie elle détruisait tout le monde. C'était plus fort qu'elle. Il pensait qu'elle était tellement mal dans sa peau et au fond si peu sûre d'elle qu'elle ne pouvait s'empêcher de vous rabaisser pour se grandir. Pas mal comme technique, hein? Alors dans sa vie professionnelle elle agissait comme ça. Il fallait que vous soyiez moins brillants qu'elle parce qu'il fallait la rassurer Jackie.

Ses dernières assistantes, toutes parties en dépression nerveuse grâce à elle, elle les a pressées comme des citrons, les assommait de boulot et leur faisait subir sa foudre à la moindre occasion. Elle avait l'exigence de l'excellence avec tout le monde, même la pauvre assistante payée des cacahuètes, elle attendait d'elle qu'elle soit capable de tout faire en plus d'être disponible H24. La dernière assistante avant moi, D.A.il l'a encouragée à partir...Il disait qu'il allait la consoler lorsqu'elle était en pleurs dans la cage d'escaliers. La pauvre...

Mon D.A. il était sympa, il adorait me faire la conversation. Alors il me parle aussi de sa relation avec sa Jackie. Elle était pas capable de relancer la marque toute seule, manque de compétence oblige. Alors elle est allée piquer le mec d'une autre. Et hop là, voilà D.A pris dans le filet!

Il m'a raconté que Jackie était très dure avant. Paraît qu'elle a beaucoup changé, qu'elle a fait un gros travail sur elle-même. IL PARAIT...

D.A m'a dit qu'il voulait qu'elle aille voir un psy pour soigner sa tête...et travailler sur sa cruauté envers tout le monde...pour sauver leur couple et pour qu'elle se sente mieux dans ses bask'. Ce qu'elle fit...

Du coup, Jackie elle s'absentait parfois du bureau pour aller se faire soigner. Mais ce que D.A.ne sait pas c'est que Jackie elle a pas bien compris....elle est allée voir un marabout ou quelque chose dans le genre. Le monsieur il lui passe ses mains à 10 centimètres du corps et elle sent une chaleur l'envahir tout au long de la séance. Après, ça va mieux! Elle se sent plus en paix avec elle même. Alors au lieu de nous aboyer dessus quand elle nous engueule, elle le fait un ton en dessous. En réalité c'est tout aussi effrayant, le désagrément de la voix de crécelle en moins.

Jackie m'a fait promettre de ne pas le répéter à D.A.qu'elle allait voir Tomtom le marabout magnétiseur mais enfin bon, si je le raconte pas là, on peut pas bien cerner le personnage. Elle m'avait dit : « si jamais D.A.sait que je vais voir un Tomtom, il me le pardonnera jamais. Il déteste le mensonge. Tu dois me promettre de ne jamais le lui dire ». Oups.

Mais bon il a l'air super Tomtom parce que grâce à lui Jackie elle a pu avoir un 2eme enfant. Oui, elle avait des difficultés pour tomber enceinte (bien retenir cette anecdote). Alors avec ses mains, il a fait de la magie et Jackie elle est tombée enceinte. Roooh Jackie j'étais quand même très gênée que tu me dévoiles qu'après ta séance chez Tomtom tu es devenue insatiable sexuellement et que c'est sans doute grâce à cet appétit que vous êtes devenus d'heureux parents! Queeeee duuuuuu bonheeeeuuur!

Ils s'engueulent souvent avec Jackie. Au bureau c'est l'horreur quand ils se font la tronche. Plus personne n'ose respirer. Parce que Jackie, elle est allée loin dans les études mais elle a pas appris à faire la part des choses. Quand ça va pas avec D.A. c'est le premier qui se pointe dans son bureau qui trinque. Et quand Jackie est en rendez-vous ou s'absente de son bureau, D.A. il en profite toujours pour venir me déconcentrer dans mon travail. Et là il bave, il bave, il bave...Jackie elle en prend pour son grade. Un jour, il m'a même dit qu'à ce stade c'était, je cite, de la dinguerie. Il dit qu'elle fait rien que pleurer,qu'elle est mal à l'aise avec les gens, qu'elle ne sait pas être gentille, qu'elle met même la pression à ses enfants, qu'elle se trouve nulle (en même temps c'est déjà ça d'être lucide). Il ajoute qu'elle se fait une idée de ce qu'est la gentillesse et qu'elle essaie de l'appliquer...c'est incroyable quand même! Et puis surtout, Jackie elle est jalouse de la facilité qu'a D.A. avec les autres. Elle est jalouse de sa spontanéité, de sa culture et de son intelligence. Si, si, elle le lui a dit en privé. Alors à côté de D.A. elle se sent nulle. Qu'est-ce que j'ai ri quand il m'a raconté qu'un jour, le N° 1 du groupe devant Jackie, a déclaré à D.A. : "c'est vous que j'aurais dû nommer Directeur général de Poulopo". Tiens, prends ça dans les dents.

Alors il a fini par me confier qu'il ne pouvait plus continuer comme ça. Qu'il pensait quitter Jackie mais que c'était trop dur vis-à-vis des enfants. Tous les jours, il venait me raconter qu'ils s'étaient engueulés à la maison, qu'ils ne se sont pas adressés la parole depuis x jours, qu'elle a été odieuse avec fiston, qu'elle s'est engueulée avec sa mère, sa soeur, son ex, la terre entière quoi! Mais bon, les années passent et je finis par me dire que D.A. il doit aimer ça être malheureux parce qu'il est toujours avec Jackie...

 

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27 mai 2011

La grossesse et le congé mat’


J'ai donc commencé à effectuer des horaires raisonnables. Je n'étais plus celle qui trouvait toujours la solution à tout et qui du coup se retrouvait avec 3 fois plus de boulot.

Mon poste n’était plus aussi lourd et l’assistanat de base je gérais parfaitement. Je faisais mon job vite fait bien fait ce qui me permettait (du moins je l’ai cru) de profiter de mon statut de cadre au forfait. Je pars du bureau quand j’ai fini mon boulot. Me souviens de Jackie en entretien qui m’affirmait fièrement qu’elle ne voyait pas l’intérêt de rester au bureau si on avait plus rien à faire. Elle disait au contraire que si on pouvait profiter de son après midi pour aller se balader, il ne fallait pas s’en priver, tant que le travail était fait !


C'est aussi à ce moment là qu'avec mon chéri, on a voulu un bambin. Ce qui ne fût pas chose aisée. Alors on s'est fait assister médicalement. Moralement, vous vous en doutez, c'était éprouvant. Alors en plus, allier Poulopo et les traitements médicaux. J'ai dû mettre Jackie dans la confidence. Ben oui, vous vous souvenez? Jackie elle vous fait parler. Et comme il a fallu que je justifie mes absences, fallait bien que j'en parle à Jackie.

Quel ne fût pas mon étonnement face à sa réaction. Elle s'est montrée très compréhensive. Elle aussi souvenez-vous avait eu des problèmes. Elle a même tenu à ce que je vois son médecin gynéco obstétricien, un vrai avec un diplôme je crois, pas Tomtom. Un ponte dit-elle. J'étais touchée.

Alors je partais à heure fixe du bureau le soir pour mes piqûres. Contraignant parce que lorsque Jackie vous colle un rendez-vous avec l'agence de pub à 17h, ben vous grimacez mais vous y assistez. Et quand à 18h pile il vous faut filer pour le passage de l'infirmier chez vous, ben vous vous levez en pleine réunion et vous bafouillez un truc inaudible devant tout le monde en cherchant du regard le soutien de Jackie. Que nenni! Jackie elle vous regarde avec autant de surprise que les autres et là vous vous liquéfiez, vous devenez rouge écarlate et vous transpirez puis vous quittez la pièce... l'air con, faut dire ce qui est.  En partant vous faites au revoir de la main en essayant de rester digne mais y'a toujours ce regard ahuri et à la fois antipathique de Jackie qui vous recolle des sueurs...vous culpabilisez.

Le lendemain vous arrivez plus tôt parce que vous culpabilisez justement. Et quand Jackie vous fait un compte rendu du brainstorming de la veille, elle vous place 2-3 infos (loin d'être primordiales) en précisant que vous étiez partie avant. Alors vous re-culpabilisez.

(Sereine la FiV...)

Depuis que Jackie a appris le grand projet de ma vie, elle me dévoile plus que jamais son côté Dr Jekyll et Mr. Hyde. Un jour, elle prend de mes nouvelles et se montre plutôt agréable, même avenante. Elle m'a offert un cookie en revenant de déjeuner une fois. Le lendemain elle me charge de projets et dossiers en tout genre. Plus qu'à l'accoutumée. Comme si sa gentillesse de la veille devait excuser la pression qu'elle m'imposait ensuite.

Après un peu plus d'un mois de piqûres, je suis enceinte. Bonheur, larmes, joie, génial! Doublement bonheur, larmes, joie, génial parce que j'attendais 2 bébés!

D'un point de vue personnel, c'était énormément d'émotions à gérer mais c'était fantastique. J'allais fonder une famille, donner vie à 2 ptits bouts. D'un point de vue professionnel, les choses se sont gâtées un peu plus.

Dr. "Jackyll" était super contente pour moi. Elle me l'a dit. Par contre Mr. Hyde commençait sérieusement à s'échauffer. Plus impatiente, plus lunatique, plus exigeante, plus agressive aussi. Et plus difficile à gérer pour moi. Elle me filait du travail par dessus la tête. Des tâches qui ne correspondaient pas à ma fonction. Comme si elle piquait les tâches administratives ingrates des collègues pour me les refiler. Je crois que Jackie a eu peur que je ne m'investisse plus dans mon travail alors elle se faisait le devoir de m'en rajouter encore et encore pour s'assurer que je ne m'ennuie jamais. Mais ce que Jackie ne savait pas c'est que je vivais une grossesse à risques. Et ma gynéco voulait d'ores et déjà m'arrêter, avant même la fin des 3 premiers mois. Par (in)conscience professionnelle, j'ai insisté pour travailler encore un peu histoire de boucler mes dossiers.

Alors j'ai tant bien que mal subi la charge de travail et son humeur. Mais avant la fin de mon troisième mois, j'étais déjà à bout de souffle et un très fâcheux événement est venu ternir davantage ma condition au bureau. Jackie m'a appelée un matin alors qu'elle était en déplacement pour m'aboyer dessus. Sur le coup, j'ai rien compris. Elle a hurlé, hurlé puis elle m'a raccroché au nez en prenant soin d'ajouter « merde » juste avant. J'étais sous le choc toute la journée. Elle m'a reproché un travail non fait. Je n'ai eu aucun droit de réponse au téléphone. La réalité c'est que, premièrement, cette tâche là ne m'incombait pas (un truc administratif ingrat qu'elle a piqué à mes collègues) et deuxièmement, j'ai bien effectué cette tâche mais pas de la façon dont l'aurait voulu Jackie. Avec le recul, je me dis que Jackie avait envie de se défouler sur moi ce jour là et en plus quand j'apprends que cette haute mission administrative n'a servi strictement à rien, je me persuade encore plus que Jackie avait une irrésistible envie de beugler. J'ai quand même été chamboulée devant une telle violence et je n'en ai pas dormi de la nuit.

Le lendemain, bien décidée à revenir sur cette histoire, je tiens tête à Jackie en lui précisant que je devrais déjà être arrêtée pour grossesse à risques et que cette pression qu'elle me met est injustifiée.

Jackie n'a pas aimé.

A force d'être pressée comme un citron et de subir les humeurs de Jackie, j'ai commencé à franchement m’épuiser. Un jour, j'atterris à l'infirmerie où l'on m'apprend que j'ai des contractions (à même pas 3 mois de grossesse!). L'infirmière m'a proposé d'appeler Jackie pour lui demander de calmer ses ardeurs. Je n'ai pas voulu envenimer les choses. Et puis tout le monde connait déjà la réputation de Jackie et les ravages qu'elle a fait auprès de ses anciennes assistantes.

Pendant cette période, j’ai aussi passé mon entretien annuel avec Jackie. C’est là qu’on fait un point sur l’année, les objectifs atteints ou non, la prime ou non. Jackie avait décidé de me donner que 80% de ma prime pour deux raisons : la première parce que je ne mange pas souvent à la cantine avec l’équipe. La seconde parce qu’en tant que cadre partir avant la secrétaire le soir c’était mal vu par l’équipe. Par l’équipe, comprendre Jackie. Y’a encore des choses qui m’échappent chez Jackie. Ce besoin qu’elle a de se planquer derrière les autres pour vous planter des pics.

J’ai donc dû me justifier (mentir). La cantine c’est parce que j’aime pas l’ambiance et parce que je sors déjeuner avec une ou deux collègues c’est plus sympa. La réalité est un peu différente. Ca fait un moment déjà que j’essaie de fuir ces déjeuners à la cantine où tu es toujours là et où tout le monde joue la comédie en t’écoutant. Tu nous emmerdes tous à être tout le temps là à table avec nous ! On peut jamais se lâcher et donc la dite « pause » déjeuner n’en est pas vraiment une.

Ensuite partir avant la secrétaire, là, j’ai pas pu me retenir : « mais est-ce que mon boulot est mal fait ? Est-ce que je pars en laissant un dossier en suspens ? ». Piégée, tu as balayé mon argument d’un : « c’est tout, c’est tout ». Alors je prends ces 80% de prime en me disant que professionnellement elle n’avait rien à me reprocher.

Quant à mes objectifs, c’est comique parce que je n’en ai jamais eu…Pourtant la prime annuelle est basée sur les objectifs définis…Va comprendre. Est-ce que l’Inspection du Travail saurait m’expliquer les méthodes de Poulopo ? Finalement comme dans une dictature, Jackie décide selon ses critères objectifs à elle.

Puis à cause de nombreuses hospitalisations, j'ai fini par être arrêtée. Alitée jusqu'à l'accouchement.

 

 

27 mai 2011

L’aventure

 

« Aventure est juste un nom romantique pour problème » Louis Lamour (auteur de western américain)

 Je m'étais donc plongée à 200% dans l'aventure. D'une part parce que Jackie savait se montrer très encourageante avec fifille mais surtout parce que du boulot, il n'en manquait pas. Le rythme infernal de l’activité a de ce fait occulté mon regard sur Jackie. Je n’avais pas le temps de m’attarder là dessus, trop de boulot.

Jackie me parlait beaucoup et abordait tous les sujets, sans tabou. C’est ainsi que je  savais quasiment tout d'elle à commencer par sa carrière fulgurante, ses enfants (2 à son actifs), ses ex., sa mère,...Elle n'était pas comme les autres patrons, ceux qui mettent une barrière entre eux et vous et qui utilisent le vouvoiement. Non, Jackie, elle, était accessible. Elle discutait avec moi et elle me faisait aussi parler...Et lorsque votre boss vous demande ce que vous avez offert à Noël à votre chéri, vous répondez. Surprise par la question vous n'avez pas d'autre choix que de répondre. Et puis, c'est anodin comme question...Alors vous répondez à ses questions justement parce que c'est anodin et parce que c'est votre boss.

Je m'en souviens, c'était peu avant Noël, Jackie avait envie de papoter :

- « Tu vas offrir quoi à ton homme pour Noël? » me demanda-t-elle souriante et avec ce regard indescriptible traduisant à la fois un intérêt réel pour votre réponse et en même temps une espèce de froideur hautaine qui vous déstabilise et qui vous oblige à répondre.

- « euh, ben...euh, je vais lui offrir un accessoire pour son ordinateur. Il est très branché ordinateur. »

- « ah ouais, d'accord...Ben moi je vais offrir une Rolex à D.A. Il est fou des montres. Tu penses que ça va lui plaire? »

ou bien 

- « Tu as fait quoi ce week-end? ». C'était la question à laquelle j'avais droit tous les lundi matin.

- « ben, on est allés chez mes beaux parents, on s'est fait une toile et puis un peu de shopping ». Bon d'accord, pas très loquace mais je ne suis pas trop portée sur le copinage avec ma boss! Alors m'épancher sur mon week end, bof bof, j'ai donc fait court et pas forcément passionnant...ça évite les questions. Et de toute manière tout ce que Jackie voulait c’était introduire son récit à elle.

- « Nous on est allés chez des copains en Corse qui fêtaient leurs 15 ans de mariage, on a fait la fête tout le week end dans leur villa. On a même eu la chance de faire le tour de l'ïle sur leur catamaran. On n'a qu'une vie! »

ou encore

- « tu le connais depuis quand ton mec? »

-  « t'as des frères et soeurs? » « Ils font quoi dans la vie ? »

- «vous envisagez de vous marier avec ton Homme? »

- « elle est comment ta maison? »

A toutes ces questions, j'aurais pu me contenter pour simple réponse d'un « qu'est-ce que ça peut te foutre? » mais alors je me serais sans doute retrouvée sans emploi. Alors je répondais...

Une fois nos vies persos dévoilées, c’est tout naturellement que Jackie enchainait en me refusant mes 10 jours de congés pour Noël. Sur un ton maternel et adoptant sa voix la plus douce possible, elle m'annonçait ou plutôt me suggérait lourdement sa décision (la pilule doit mieux passer quand « ni vu ni connu j’t’embrouille »):

« -Ca me dérange qu'il n'y ait personne au bureau pendant les fêtes. Les gens vont croire qu’on ne bosse pas. Il y a toujours les usines qui ont besoin d'infos. C’est important de pouvoir leur répondre »

Donc c'est bibi qui s'y collait. Je passais les journées aux alentours des fêtes de fin d'année toute seule au bureau comme une c... Faut dire ce qui est. Avec un total de 3 appels en 10 jours. Un appel interne, un appel pour de la pub et effectivement une usine qui a appelé pour savoir quand Jackie serait de retour de congés. Toujours est-il que j'étais fière de tenir la « maison » et encouragée par la confiance que Jackie m'accordait en me laissant gérer durant 2 semaines l'activité (bon ok pas follement débordante) au bureau, je m'occupais alors en faisant le ménage...Ah bras droit, quel pied!

Vous l'aurez compris, chez Poulopo, le privé et le professionnel se fondaient dans un seul et même moule ce qui avait pour effet de me dérouter pas mal au début. Mais j'ai fini par m'y faire, pas trop le choix. Toujours de besoin payer ses factures et surtout parce que je voyais dans ce poste l'opportunité d'apprendre un tas de choses. Je sentais que j'allais avoir un rôle central chez Poulopo.

Revenons donc à mes responsabilités qui n'ont cessé d'augmenter jour après jour. Jackie s’était rendu compte qu’elle pouvait m’en demander au-delà de mes compétences d’assistanat. Je faisais tout...Quoiqu'il en soit je considérais ça comme une opportunité unique. De me voir confier autant de projets c'était inespéré pour une assistante alors je montrais ma reconnaissance envers Jackie en en faisant 10 fois plus. Je m'appliquais de la même manière pour envoyer 100 pages de fax pour Jackie que pour créer le site web de Poulopo. Je ne comprenais pas cette réticence de Jackie pour le progrès…d’autant plus qu’on avait un scanner ultra moderne mis à dispo à chaque étage par le groupe Mandrelli. C’est assez en contradiction avec le discours qu’elle tient sur Poulopo à qui veut l’entendre. Poulope avance avec son temps, Poulopo moderne et sophistiqué…Et derrière le rideau, c’est tout poussiéreux et cracra. Malgré mes suggestions sur un éventuel pas vers le progrès (cf. scanner dans le couloir), Jackie préférait que je lui dépose sur son bureau la pile d’accusés de réception qu’avait fini par dégueuler le fax (après que je me sois tapée 45minutes d’attente et de bourrage papier). Plus sûr, pensait Jackie. Pour le gain de temps et l’efficacité, tu repasseras, pensais-je.

Je me dois également d’évoquer la piteuse connaissance de  Jackie sur les sujets informatique et internet…Madâââme voulait un site web pour faire comme les autres. A l’image de Poulopo donc. Euh…moderne, chic et mon cul sur la commode. Mais Madâââme n’y connaissait pas une cacahuète. Et surtout j’avais pas connu plus radin depuis Piscou. Alors avec trois fois rien, il fallait que le site soit dynamique, classe, chic, authentique et tout le toutim. Beau challenge pour moi…qui ai dû reporter et justifier chaque sou dépensé sur le projet. « Euh…150€/an c’est pour héberger le site (…). Tu trouves ça trop cher…euh oui oui t’as raison, c’est beaucoup trop cher, ok bon bah j’vais négocier. ». « Tu veux de la musique ? Bah un morceau connu c’est assez cher parce qu’il y a des droits d’auteur tu sais (…). Mais sinon pour 30€/mois t’as des morceaux libres de droits (…). Oui ok j’te fais une sélection assez pop rock. » De la musique libre de droit pop et rock ! Mais elle croyait que j’allais trouver quoi à part de la musique d’ascenseur ? Inutile de vous dire qu’elle a trouvé tous les morceaux nuls mais Picsou bis s’est rabattu sur le morceau le moins pire parce que faut pas déconner, elle n’allait pas payer des droits d’auteur ! Quand je pense qu’elle a briefé l’agence web en disant que Poulopo était une marque haut de gamme qui marchait du tonnerre ! Beaucoup moins haut de gamme la démarche commerciale…

Puis il a fallu veiller à ce que son site soit visible. Et là, catastrophe. Pendant 2 semaines, j’ai cru apprendre à lire à un bonobo.  Impossible de faire entrer dans la pourtant « grosse » tête de Jackie le fonctionnement du référencement sur internet. Jackie bornée comme pas deux voulait absolument qu’on dégage les bannières pub qui apparaissait « avant » Poulopo dans les résultats de recherche sur Google ou Yahoo. « Mais ils apparaissent avant nous dans le bloc gris en haut ! Ils n’ont pas le droit de faire ça, comment ça se fait ? ». Et je répétais inlassablement la même explication « non en fait, ils n’apparaissent pas avant nous dans les résultats de recherche, ce sont des liens sponsorisés. Ils payent pour apparaître dans ce bloc. Mais tu vois, dans les résultats de recherche on apparaît bien en premier ». A cela, Jackie répondait sur un ton qui me laissait croire qu’elle me prenait pour une conne :  « mais non, tu vois bien qu’on n’est pas les premiers làààààà » perçant mon écran de son index. Bon euh, Bonobo laisse tomber…

C’est dans ces conditions et cette ambiance déroutante pourtant que Jackie me faisait croire qu’elle m’avait prise sous son aile. Comme si elle voulait me transmettre son savoir et me faire progresser professionnellement. Exaltation, encouragements, promesses de reconnaissance sur fond de duperie. Mais j’étais prise dans le filet…

En contrepartie j'apprenais tellement. J'étais en charge d'un tas de dossiers, du plus au moins ingrats et je m'exécutais sans broncher. A chaque missions qu’elle me confiait, la pression était tellement grande, mon désir de ne pas décevoir Jackie et mon appréhension des représailles en cas d’échec étaient tellement grands que j’accomplissais avec brio toutes ces tâches. Au dessus de moi planait depuis mes premiers jours chez Poulopo sa réputation et ses ex-assistantes…C’est ça qu’elle a réussi à instaurer en moi Jackie, une pétoche intérieure toujours présente mais qui ne se voyait jamais sur mon visage.

Je me déplaçais aux quatre coins de la France pour recruter le personnel de vente alors que je n'avais aucune expérience dans le domaine. C’est vous dire la confiance que Jackie m’accordait. La première fois, je suis partie en province pour une session de recrutement de vendeuses avec Jackie. Ensuite elle m’a laissée gérer l’affaire toute seule.

Cette fois là, avec Jackie, nous nous sommes retrouvés dans une agence d'intérim à recevoir les potentiellement (mal)heureuses recrues : trop moches, trop grosses, trop bas de gamme, pas assez chics, pas le bon look, pas assez cultivées, trop vieilles, trop jeunes...autant de critères qui ne me semblaient pas très conventionnels.

Et c'est au cours de ces sessions de recrutement qu’elle excellait dans sa discipline favorite : la mythomanie aigüe

J'étais férue des moments où elle commençait à présenter Poulopo aux candidates. Génial, 20/20! J'étais sur un nuage, je m'y voyais moi dans ce monde merveilleux...J'acquiesçais de la tête à chacune de ses déclarations.

« Poulopo c'est pas seulement une entreprise, c'est des valeurs, bla bla bla beeeeuuurrrkkk... ». Les valeurs, parlons-en. Celles qu’elle envoyait à toutes les sauces : l'authenticité d'abord. La marque, D.A.et elle : authentiques. Les employés : ne seront jamais aussi authentiques, beaux et forts qu’eux (ben oui, ça n'existe pas) mais ça fera l’affaire. Maintenant que j'y pense, je ne sais pas trop ce qu’elle entendait par authenticité. Je crois que ça m'a plu parce que je m'imaginais que cela rimait avec sincérité. Mais Jackie était plus attirée par le terme que par son sens. Alors "pout"...

Puis vient le tour de l’'éthique...synonyme d'une certaine morale. Mais où était-elle? Comment se traduisait-elle? Rien vu moi! Pas de morale quand elle humilie un employé devant tous les autres. Pas de morale quand elle prétend faire du développement durable et qu’elle ment (meuuuuuh non on n'utilise pas de tasses plutôt que des gobelets en plastiques!!). Pas bien.

Poulopo c'est une boite pas comme les autres. Pas de management poussiéreux ultra hiérarchisé...pas de ptit chef pour fliquer (mais un grand). Vous êtes autonomes, on vous fait confiance et vous gérez votre travail comme des grands. On travaille tous dans la bonne humeur et on a tous l'envie de donner le meilleur de nous même. Chacun est encouragé à donner son avis et ses idées sur la collection Hiver 2013 des groles Poulopo ou sur les catalogues Poulopo. Mais attention, tu donnes ton avis seulement s'il correspond à celui de D.A.et Jackie, t'as compris? Sinon, t'as pas de goût ou pire t'es bête!

Poulopo c'est des perspectives d'évolution. Oui tu évolues à Poulopo si tu te donnes à fond (se donner à fond c'est bosser jusqu'à 22h au bureau 365 jours par an!). Mais attention, si tu obtiens le convoité titre de Responsable, sache qu'il n y a qu'une seule chose qui change chez Poulopo : la pression que tu avais déjà monte d'un cran. Bah oui, comme t'es responsable ou cadre, ben Jackie elle attend de toi à ce que tu bosses comme si t'avais des actions dans la boîte. Pour le reste, augmentation, vrais responsabilités, tu peux toujours courir... Les autres, ceux que tu appelles les petites mains, sont finalement très très bien lotis. Tu ne leur demandes rien, d'ailleurs, tu leur adresses à peine la parole. Tout compris eux.

J'y ai cru, à tous ses beaux discours...longtemps même. Elle faisait tellement bien illusion.

Lorsque j'ai (enfin!) fini par la démasquer, en entretien de recrutement j'avais la nausée en l'écoutant déblatérer autant de bêtises. Alors à la fin je pensais à ma liste de courses ou au prochain épisode de Desperate Housewives. Autant dire que je n'acquiesçais plus vraiment...

Bon, je ne serais pas juste envers Jackie si je ne disais pas qu’elle m’a accordé plusieurs augmentations et qu’elle mettait de temps en temps en avant mon efficacité...au début. Comme j'étais fière! Mais avec l’équipe formée et mon poste disloqué, chouchoute je ne suis plus. Adieu privilèges! D'autres chouchous ont fait leur apparition. Moi j'ai un train d'avance, étant arrivée bien avant tout le monde...je sais comment elle procède. Quand on est chouchou, on ne voit que le côté Dr. Jekyll de Jackie. C'est là que Jackie nous accorde des moments privilégiés

Parmi mes « responsabilités » il y avait aussi l’appairage des chaussures par milliers (à quatre pattes dans le bureau, mes genoux s'en souviennent encore!) en me relevant toutes les 30 secondes pour traiter tous les appels téléphoniques (oui, je faisais aussi standardiste). Je mettais alors ces milliers de godasses dans d'énormes cartons et les chargeais ensuite dans des chariots pour aller les entreposer au sous-sol qui se trouve plusieurs étages en dessous de Poulopo. Et pour compliquer un peu ma tâche l'accès à ce sous-sol est un vrai labyrinthe : descendre trois étages, remonter un étage pour prendre l'autre ascenseur au bout du couloir et redescendre d'un étage pour prendre l'ascenseur qui va au rez-de-chaussée et traverser tout le bâtiment pour enfin atteindre le sous sol!).

L'heure d'après j'étais en réunion brainstorming pour la stratégie marketing à venir de Poulopo! J'allais accueillir les supers spécialistes de la communication, j'ai nommé les Directeurs d'agence de pub, je jouais mon rôle d'assistante en proposant le café et je m'installais ensuite autour de cette table où la réunion avait commencé. Je prenais des notes (et faisais 2-3 gribouillages pour tuer l'ennui) comme une bonne élève pour ensuite faire toute la coordination des formidables projets qui en émergeaient.

Ces réunions qui duraient des heures avaient le don de me stresser un peu plus que je ne l'étais déjà. Au vue de ma charge de travail, assister à ces séances de bavardages inconsistants, où tout pouvait être dit en 10 minutes top chrono, ne faisaient que me retarder dans mes différentes tâches : organiser ma journée de recrutement en province, réserver des billets d'avion et hôtel pour Jackie pour sa participation au prochain salon international, faire le planning des nouvelles vendeuses, traiter le courrier qui s'accumule depuis 1 semaine, valider toutes les factures, refaire le site web, réfléchir à une nouvelle charte graphique pour Poulopo etc. Et je me suis vite rendue compte que Jackie n’intégrait pas tous ces projets en cours. En fait elle s’en foutait royal. Elle ce qui l’intéresse c’est que ce soit fait ! Et fissa !

Les protagonistes de ces réunions, avaient la bise chaleureuse et sincère. Ils passaient 30 minutes à se congratuler pour tout et rien : « ta nouvelle montre Cartier? Félicitations! » « Ton nouveau blackberry? Waouww, félicitations! » « Tes dernières vacances aux Seychelles? Trop génial!! Et félicitations bien sûr! » « tu fais construire ta maison au bord de la mer ? Superbe ! » Quant à Jackie, elle, elle avait toujours le droit aux compliments les plus puants d'hypocrisie : « Jackie, toujours suuuupêêêêêrbe, tu as une mine respleeeeeenndissaaante. » « Bonjour Jackie, comment vas-tu? Très classe Jackie comme d'habitude.... » « Poulopo ne serait rien sans toi ». Une fois ces déballages de crétineries faits, ces messieurs et mesdames consentaient enfin à poser leurs derrières satisfaits par autant de léchouilles sur leur chaise respectif pour passer à l'acte 2 de la crétinerie. Et là, ça parle, ça parle. La réunion pouvait débuter de bon matin, je terminais toujours par me sentir vous savez comme après un énorme repas, assommée, en apesanteur, comme sur du coton. Et là tout l'art réside dans le fait de montrer que vous êtes passionnée par le sujet tout en assouvissant votre besoin de piquer un roupillon. A force d'entraînements, on y arrive! Parfois, la torpeur était telle qu'il me fallait trouver un moyen de m'échapper de là. Soutenue dans ma tâche par une Jackie et ses grouillots absolument hypnotisés par leur baratin, je me levais avec assurance et retournais tout naturellement à mon bureau l'air de rien histoire de souffler un peu. J'y restais assez de temps pour me désaltérer d'une boisson fraîche et pour traiter 2-3 appels et emails. Il y avait aussi la solution facile du prétexte des aisances...C'est de cette manière que je retournais à mon bureau laissant mes copains et copines de réunion à leur trip publicitaire...parfois je ne revenais que peu avant la fin de la réunion, l'air très impliquée, je me ré-asseyais et reprenais mes notes au milieu de ces individus, fort heureusement pour moi, toujours absorbés par leur bobards.

 

Pour Jackie, accomplir de manière intensive autant de tâches de 9h à 19h en moyenne (avec 15 minutes de déjeuner à la cantoche ou sandwich en main devant l'écran), pour une assistante, c'était faire preuve de polyvalence.

Un autre exemple de polyvalence ? Allez un dernier. Jackie voulait que Poulopo ait la classe et la notoriété des grandes marques de chaussures et de prêt à porter. D’ailleurs elle ne le voulait pas, elle voyait Poulopo au même niveau. Sauf qu’elle ne mettait pas tous les moyens en œuvre pour. En effet, Picsou, à l’approche de Noël, durant ma première année chez Poulopo, a eu la bonne idée de décorer les vitrines de ses 2 pauvres boutiques. « comme le font les Galeries Lafayette et le Printemps » m’avait-elle dit. Alors à 2 semaines des vacances de Noël, ça lui a pris comme une envie de pisser. « Tu voudrais pas être chef de projet pour l’habillage des vitrines ? Il faudrait imaginer une ambiance, un style, quelque chose de sympa. Mais faut faire vite, Noël approche ? ». C’était ça son brief. Tout pourri. Et l’air de rien d’ajouter « chef de projet » pour donner de l’importance à la corvée. Pas étonnant qu’avec un tel brief, je ne sois revenue vers elle dans la foulée avec mes questions. Et la plus importante était celle du budget. Jackie, s’agissant d’argent, plus précisémment de dépenses, s’est toujours montrée indisposée par le sujet, rendant ma démarche très désagréable et me donnant le sentiment de lui piquer ses sous. Elle adoptait une attitude fuyante, et j’observais alors son corps se raidir comme un balai puis elle finissait par me répondre vaguement, de manière inaudible. Comme si le fait de ne pas répondre concrètement à ma question « quel est le budget pour ce projet ? » allait minimiser ou mieux encore, éviter, la dépense. Hallucinant. La polyvalence je suis pour, mais entendons nous sur le terme. Polyvalence ne rime pas inévitablement avec surcharge de travail, si? Et puis, avec un minimum d'orientation dans les projets quand même. Le moins que je puisse dire c'est que Jackie n'avait vraiment pas fait preuve de pédagogie...

Donc avec 500€ de budget en poche, je partais à la recherche de déco de vitrine semblables à ceux des grands magasins. Demandez à Jean Paul Goude si c’est pas du challenge ça. C’est alors que Jackie est venue me suggérer de trouver des ardoises sur lesquelles écrire « J-O-Y-E-U-X N-O-E-L ». Des ardoises qualitatives, perforées dans les coins pour pouvoir y passer une ficelle et ainsi les suspendre au dessus des vitrines, format 30x40cm, pas trop lourdes et lisses. Dis comme ça, ça a l’air simple mais dans les faits, fallait le faire, trouver une quarantaine de tablettes en ardoises (et pas des ardoises d’écoliers !). Comptez 2 vitrines par boutique que je multiplie et autant d’ardoises que de lettres qui composent «Joyeux Noël » que je multiplie par deux (2 vitrinesx2 boutiques vous me suivez ?).  

Je veux dire par là que si vous êtes recruté au poste de Responsable Marketing, je comprends qu'on puisse exiger de vous une efficacité immédiate dans le domaine...mais en ma qualité d'assistante de Direction, j'aurais aimé un peu plus d'assistance quant au projet de refonte d'un site web ou bien à la gestion d'une campagne de pub pour Poulopo.

De même que lorsqu'on est Responsable Ressources Humaines, votre employeur est en droit d'exiger de vous une gestion des ressources humaines sans faille....moi, simple assistante, je devais recruter, sans directive, des tops vendeuses et gérer tout l'administratif (plannings, congés, primes, absences, interim, maladies...) sans aucune connaissance en droit du travail.

Ou encore, lorsque vous êtes responsable de la production, vous avez obligation de connaître toutes les étapes de la chaîne de production et votre connaissance technique n'est plus à prouver. Moi je devais coordonner les usines de production, les tanneurs et valider les peausseries, les prototypes et accessoires pendant l'absence de Jackie (qui est toujours en RDV). Avec pour seul conseil de sa part : faire preuve de bon goût. La pression vous connaissez?

Elle me confiait mille projets et me laissait me débrouiller par moi-même. J'ai appris sur le tas avec une petite boule dans l'estomac qui grossissait jour après jour. C'est sûr, j'apprenais dans tous les domaines, j'étais l'interface privilégié entre ma boss et tous les autres. J'avais ce sentiment d'être indispensable à la boite. Mais le stress s'est installé pour de bon. Et il était coutume pour Jackie, après m'avoir laissé porter un projet pendant 3 semaines, de balayer tout mon travail d'un simple : « non en fait c'est pas ça que je voulais. Il faut recommencer. » ou bien « ah non j'ai plus le budget pour ça, laisse tomber »...

Tous les matins, je découvrais une vingtaine de post-its éparpillés un peu partout sur mon bureau. Des tâches à effectuer venant de Jackie : « faire tableau des matières » « demander devis pour mobilier » « chercher un stand pour Poulopo » « rappeler Corinne (qui c'est????) » « réserver billets pour Milan (à quelle date? Vers quelle heure?!). Bien que Jackie travaillait face à moi, elle me bombardait de ces petits bouts de papiers tout au long de la journée et en ma présence. Il faut se l'imaginer. Elle est derrière son écran, je la vois qui prend son critérium et un post-it, puis gribouiller rapidement quelque chose pour ensuite tendre son bras et me coller le dit morceau de papier là où bon lui semblait...alors parfois j'en retrouvais derrière mon écran d'ordinateur ou sous mon téléphone (Comment? Tu n'as toujours pas fait le catalogue de la collection? Mais je t'avais mis un post it pourtant!).Curieux comme procédé...mais à ça aussi je me suis habituée.

Jackie exigeait de moi un travail irréprochable. Elle s'absentait souvent avec D.A.me laissant le bureau à moi toute seule. J'appréciais cette autonomie et le fait de ne pas avoir quelqu'un derrière mon dos constamment. Je quittais le bureau assez tard et je continuais à travailler chez moi, week end y compris. Pour que Jackie continue à être satisfaite de mon travail et pour qu'elle ne me hurle pas dessus comme je la voyais faire régulièrement maintenant avec les autres. Quand je l'entendais hurler sur les collègues, je me sentais favorisée, un peu l'élève modèle. Nananananèreeeeuuuu...Alors ça ne me gênait pas vraiment qu'elle humilie untel ou untel. C'est pas de ma faute à moi s'ils sont incompétents! Le revers de la médaille c'était que pour continuer à disposer de cette présumée« liberté », il me fallait être l'assistante parfaite. Alors j'acquiesçais à toutes les exigences de Jackie.

Les mois passent et moi, à force de me donner à fond, je commençais vraiment à sentir la fatigue m'envahir. Faut dire, j'avais pas mal d'heures supp' au compteur.  Je travaillais chez moi soir et week-end, je faisais suivre ma ligne du bureau sur mon portable ainsi que mes mails...

Alors pour me récompenser, ma boss me passe cadre! Waouhh! La reconnaissance! C'est pour me permettre de gérer mes horaires avec plus de libertés dit-elle. Et d'ajouter que lorsqu'on atteint ce niveau de responsabilités, c'est tout à fait logique de passer cadre. Alors, là, j'étais sciée. Je passe cadre! Quelle promotion! Alors je ferme les yeux sur le reste, sur tout le reste....c'est pas grave de passer son week-end entier à la maison à faire des travaux manuels en vue de décorer toutes  les boutiques pour Noël (petit budget Poulopo), c'est pas grave de travailler jusqu'à 1h du mat' chez moi pour préparer le lancement de la collection, c'est pas grave de rester au bureau jusqu'à 23h pour terminer un dossier alors que toute l'équipe dîne dans ce restaurant que j'avais réservé justement pour le lancement de collection, c'est pas grave que Jackie m'appelle sur mon portable perso régulièrement pour le boulot...Mon travail est primordial pour le bon fonctionnement de Poulopo. J'en suis persuadée.

Puis je me prends parfois des réflexions, d'un ton un peu sec. Ca arrive. On peut être de mauvaise humeur. Mais bon, je commence à me poser des questions sur les pratiques de Jackie. La fatigue grandit grandit...

En fin de compte assistante de Jackie c'était être à la fois « assistante bobonne» :

- ben oui, tu portes d'énormes cartons à la noix et tu te tapes les couloirs, les étages, et le sous sol. Tout ça sous le regard désolé de Jackie beaucoup trop radine pour embaucher des manut' pour la journée!

- Tu fais le ménage parce que le bureau c'est le bordel, D.A.et Jackie n'étant pas très regardant sur le rangement...

- Tu accueilles les visiteurs, tu fais des tableaux sur xls., tu réponds à tous les appels téléphoniques, tu réserves les billets d'avion, de train , tu vas chercher le courrier, tu traites tous les courriers administratifs à la noix (abonnements téléphoniques, loyers des boutiques, relances de non paiement de la facture d'eau, devis de ravalement de façade de la prestigiiiieeeuse boutique parisienne,...).

et c'est aussi être chef de projet polyvalent :

-« tiens tu me refais le site web? C'est pas urgent, c'est pour demain! »

- « tiens tu t'occupes de la déco des boutiques pour Noël la semaine prochaine? Un brief? Bah...que ce soit beau !»

- « tiens tu nous fabriques un stand pour la participation de Poulopo aux salons professionnels à l'international? Un brief? Bah que ça reflète l'image de Poulopo !»

- « et pis tiens, t'as qu'à y aller aussi sur les salons »

- « tiens tu recrutes des vendeuses »

- « tiens tu refais la charte graphique de Poulopo. Un brief? Oh et puis non »

Alors vous comprenez la pauvre assistante que j'étais, à force et malgré toute la volonté du monde, elle finit pas craquer. Parce que non seulement Jackie elle vous file trois tonnes de boulot mais en plus si c'est mal fait, tu te prends une réflexion qui t'anéantit sur place : « c'est pas encore fait ça? » « c'est pas très qualitatif comme résultat » « mais n'importe quoi!! (voix de crécelle)» «T'as rien compris du tout!! » j'en passe et des meilleures. Bah tu t'attendais à quoi Jackie? Tu nous balances un projet que nous, on a jamais eu l'expérience (parce qu'au départ on a postulé pour être assistante nous) et tu reviens nous voir après t'imaginant qu'on aurait tout torché fastoche en 2 jours? Et en plus tu nous aboies dessus?

Le problème qu'elle a Jackie c'est qu'un jour c'est blanc et le lendemain c'est noir. Alors même si t'essaies de remplir ces tâches et ben tu avances sur un sujet un jour et le lendemain tu recules, tu avances, tu recules, au gré des humeurs de la Reine Mère.

En réalité Jackie elle est gentille avec vous pour pouvoir mieux vous maltraiter après. Ca me rappelle un peu ces femmes qui se font battre par leurs maris et qui ne portent pas plainte. Une fois qu'ils leur ont bien pété le nez, ils s'excusent en offrant un bouquet de fleurs et la femme battue, elle passe l'éponge. Même si ça fait mal quand même un nez pété.

C'est comme ça que Jackie procédait...j'avais alors droit à des journées de congé offerts gracieusement par Jackie. La relative confiance et les confidences de Jackie savaient me donner une importance illusoire.

Par exemple, l'activité de Poulopo se développant, j'ai participé au recrutement de toute l'équipe commerciale qui allait être cette fois-ci basée au Siège. Aux entretiens j'étais assise à ses côtés et elle me présentait comme son bras droit. Je posais mes questions comme un recruteur professionnel. A la fin de l'entretien Jackie faisait les debriefs.

« t'en penses quoi? » me demandait Jackie après les entretiens.

« Moi je la trouve super, elle est cultivée et a de l'expérience dans le domaine, elle me semble sincère dans son discours »

« j'aime pas son look, elle fait ringarde. Et ses dents, t'as vu ses dents? J'aimerais voir d'autres candidates »

Bon premièrement, moi je parlais des compétences du candidat, Jackie me parlait de ses fringues et de son physique. Mais surtout elle n’en avait rien à f....de mon avis. J'ai fini par comprendre que ma présence lui servait de faire valoir. Je servais en quelque sorte à mettre une distance supplémentaire en le candidat et Jackie. Ca lui conférait un côté inaccéssible. Moi, assistante de grand chef Jackie. Jackie very important person. Toi, candidat en recherche d’emploi.

Bref, après avoir tant donné de ma personne à Poulopo, éreintée, je reprends mes esprits et j'arrive à la désagréable conclusion que je me suis faite avoir et pas qu'un peu.
Ben oui exploitée, une boîte de rêve mirage, un D.A. et une Jackie siphonnés grave. On vous demande toujours plus sans se soucier de savoir si c'est pas trop. Et on joue sur l'affect pour vous tenir en laisse.

Et puis maintenant nous étions près d’une dizaine au siège…mes tâches ont commencé à se répartir. On avait quelqu’un pour les RH, quelqu’un pour la production, etc. Une équipe s’était formée.

Alors je suis restée bobonne, un poste plus vraiment bien défini…j’avais l’impression d’être le concierge d’un hôtel. Quand même après avoir tout fait, j’ai vécu ça comme une régression. Je m’imaginais que Jackie allait me promouvoir après que j’ai fait preuve de tant de compétences et d’investissement…que nenni. Je pense qu’à partir de ce moment là Jackie a commencé à se poser la question de savoir quoi faire de son assistante…

27 mai 2011

La réputation de Jackie

 

« La grandeur d'un homme est comme sa réputation : elle vit et respire sur les lèvres d'autrui » , Rivarol

 

- « Je comprends pas pourquoi ils veulent me filer un bureau fermé. J'ai toujours travaillé comme ça, ça fonctionne très bien. Ca m'agace, quelle perte de temps! »pesta Jackie.

- « Ben...tu sais bien, c'est ça les grands groupes, il faut hiérarchiser, mettre des barrières entre la Directrice et ses employés. C'est complètement stupide mais qu'est-ce que tu veux y faire?» déclara D.A l'air affligé par les méthodes archaïques des grands groupes.

Ca, c'était 2 semaines après mon entrée chez Poulopo.

Jackie avait l'air très contrariée et déçue à l'idée de ne plus pouvoir travailler face à moi. Elle pense que travailler tout près de son assistante est un avantage. Ca vous permet d'échanger les informations en temps réel. Aucune déperdition. Pas de souci de communication. On se dit tout. On ne peut surtout rien se cacher.

En réalité, je me suis rendue compte plus tard que ça permettait à Jackie de comptabiliser mes allers et venues aux toilettes, d'écouter mes conversations téléphoniques, de m'observer travailler pour ensuite l'air de rien me balancer deux trois commentaires sur ma gestion de tel ou tel dossier. De la même manière, j'entendais Jackie engueuler à longueur de journée vendeuses, équipe commerciale, usines et fournisseurs. Le seul réel avantage que j'accorde à cette promiscuité c'est qu'il m'a permis de cerner le personnage assez rapidement et de m'adapter tel un caméléon aux humeurs de Jackie. Ca m'a sauvé la peau...au début.

Quoiqu'il en soit, la vraie raison pour laquelle la Direction de Mandrelli  a décidé de gratifier Jackie d'un bureau repose sur d'autres motifs, beaucoup moins faciles à admettre. Mais revenons un peu en arrière...

Durant ces deux semaines de présence chez Poulopo et dans ce grand groupe, il me suffisait de quitter le bureau pour aller chercher le courrier ou à la reprographie pour croiser systématiquement quelqu'un qui semblait me connaître et qui s'inquiétait de mon avenir. De bienveillants camarades me mettaient déjà en garde contre une une vilaine reine qui sèmerait la terreur en son royaume... 

"si quelque chose ne va pas, tu vas tout de suite voir la DRH Groupe, tu verras elle est super"

"méfies toi de Jackie"

Ces "ça va tout se passe bien?" qu'on m'adressait régulièrement d'un sourire désolé et sincèrement compatissant...

Un jour, j'apprends la nouvelle par Rico, l'homme à tout faire du groupe à qui j'ai adressé la parole une seule fois depuis mon arrivée. Sans détour, il me lâche le morceau :

- «Elle est comment avec toi Jackie? Je la connais bien, fais attention. Elle va te presser comme un citron. Son ex-assistante a fait une grave dépression par sa faute. Va direct voir la DRH de Mandrelli au moindre souci. »

- Glurps…« oui t'en fais pas. Pour l'instant, ça va » lâchai-je alors un peu perdue.

C'est également de cette façon que j'ai appris que Jackie allait se voir attribuer un bureau de chef. Les copains des services généraux ne venaient prendre les mesures du bureau en vue des travaux qu’en l’absence de Jackie. Et lorsqu’ils pénétraient chez Poulopo siège, toujours la même question à mon attention qui revenait : « elle est pas là Jackie ? » comme pour s’assurer qu’elle n’allait pas être de retour aussitôt. Tout en prenant les mesures, on bavardait, de tout et de rien, mais surtout de Jackie. Jackie qui est une chieuse, Jackie qui est une conne, Jackie qui est pas sympa, Jackie qui a trop la grosse tête, Jackie qui a eu un tas d’assistantes avant moi, toutes parties en dépression. Dont une qui aurait perdu tellement de poids à cause de sa dépression qu’elle ne se déplace plus qu’à l’aide d’une béquille !

C’est vrai tout ça??? Meuuuuh non!! pas possible. Ma boss? Impensable. Elle est tellement gentille avec moi. Elle me fait la bise le matin.

Et c’est ainsi que j’ai appris que le DRH du Groupe voulait enfermer Jackie entre 4 murs pour éviter qu’elle ne fasse trop de dégâts avec la nouvelle assistante…comprenez « moi ».  J’ai alors découvert que ce prétexte de nouveau bureau tout beau tout neuf « parce que je le vaux bien » de Jackie n'est qu'une couverture pour l'opération top secrète intitulée « il faut sauver la nouvelle assistante de Poulopo ».

Quant à mes collègues de Poulopo, ceux qui s’estiment chanceux de ne pas travailler au siège, les assistantes commerciales, les vendeuses, les commerciaux…ceux là qui ne croisent que 3 fois par an Jackie me font ressentir toute leur haine et leur stress lorsqu’ils essaient frénétiquement de retourner un appel de Jackie. Ceux là, je les appelais les « flipettes »

« ELLE est là ? Elle est comment ? De bonne humeur ? T’es sûre ? Elle est occupée ? Tu pourras lui dire que j’ai essayé de l’appeler trois fois ? T’oublieras pas de lui dire?

Variante : « ELLE est là ? Elle est de bonne humeur ? Ah bon parce qu’elle avait pas l’air commode dans son message. T’es sûre qu’elle est de bonne humeur ?  Elle est dispo…ah..bon bah, tu peux me la passer alors ? »

Puis y’a aussi les « courageux » :

« Non mais elle se prend pour qui Jackie !!?? Elle croit que j’ai que ça à faire ?! J’vais pas dormir au bureau pour lui pondre son tableau de merde !!!! J’ai déjà plein de boulot en retard ! Elle pouvait pas me le demander avant ?! Non mais, si elle croit que je vais le lui faire !! ».

Moi : « ok mais si tu veux je te la passe et tu pourras le lui dire »

Courageux : « non, ben dis lui que je vais essayer de lui faire son tableau. Salut. »

D’ailleurs cette attitude se répandaient à l’ensemble de la population avec qui Jackie bossait collatéralement. Je réalisais qu’au-delà de mon statut d’assistante, j’étais également le punching-ball en chef. Toute la haine suscitée par Jackie, bibi se la prenait en pleine tronche par les gens pas assez intelligents pour réaliser que bibi ≠ Jackie.

Cas pratique :

Jackie avait expressément demandé un plan pour une future boutique Poulopo au Département Travaux du groupe. Le matin pour l’après-midi quoi.

N’ayant pas de retour, Jackie me charge de relancer en tapant du point sur la table parce que ça fait un moment qu’elle attend. Courageuse aussi Jackie hein ?

Bref, une fois dans le bureau du responsable des travaux, ce dernier n’a pas daigné me jeter un regard ni me renvoyer mon bonjour. Je me suis donc retournée vers son assistante à qui je fais la demande (sans taper du poing sur la table). C’est alors que l’énergumène impoli se lève de son bureau, se dirige vers moi pour finalement s’adresser à son assistante : « on n’a pas à faire ce boulot pour elle (Jackie), et de toute façon on n’a pas le temps. Si elle est pas contente, elle n’a qu’à voir ça avec Blaise Attuzzi (son N+1)». Et le voilà qui balance le dossier que je venais de soumettre à son assistante avant de partir prendre sa pause clope. 

Tous les jours, j’étais témoin de la mauvaise volonté maladive de toute personne à qui on demandait de rendre un service, fournir une info, faire un boulot pour Jackie. Mais pourquoi tant de haine ?

En ce qui me concerne, j'avais dès les premières semaines commencé à me poser quelques questions et à soupçonner un côté Dr. Jekyll et Mr. Hyde chez Jackie. Mais quand même, après tout ce que j’avais entendu, c’était pire que ce que je pouvais imaginer. D’ailleurs je n’ai pas été loin de mettre un terme à ma période d’essai, je commençais déjà à me méfier. J'étais un peu abasourdie par toutes ces révélations. Je l’avais bien senti, que c’était trop beau pour être vrai.

En faisant part de mes doutes à Chéri et à mes proches, on en était venus à la conclusion qu’objectivement, Jackie n’avait jamais eu un mot plus haut que l’autre envers moi jusqu’à présent. Qu’avais-je à lui reprocher ? Mis à part une petite appréhension, ce tout petit pincement au ventre parfois quand je dois lui parler, trois fois rien. Alors j’ai décidé de fermer les yeux et de vivre mon aventure. Vous vous souvenez d’Hansel et Gretel, ben moi j’étais entrain de manger la maison en pain d’épice…Mais, y’a pas une sorcière dans l’histoire ?

En attendant, je comprenais mieux toutes ces paires d'yeux rivés sur moi, à la cantine, dans les couloirs du groupe, aux toilettes, interrogateurs, l'air de dire : « alors c'est elle la nouvelle victime? ». Entre les sourires réconfortants des uns et les « bonjour » gênés des autres, je n’étais plus mal à l’aise. J’étais connue et reconnue. On m'a même dit un jour que des paris ont été lancés à propos du temps que je tiendrai chez Poulopo. Trop génial! J'étais au centre de toutes les conversations.

27 mai 2011

Mon premier jour

 

Poulopo se résumait à un grand bureau faisant office de showroom, de réserve à chaussures, de salle de réunion, de fumoir - oui ça sentait fort le tabac froid et à en voir l'état du sol, certains ont confondu la moquette avec un cendrier! Et puis au fait c'est pas interdit de fumer dans les lieux publics?- , et pour finir, Poulopo c'était accessoirement le siège social.

C'était une grande pièce où tout était entassé. Y'en avait partout, sur les tables, sous les tables, au sol, au mur, sur le rebord des fenêtres. Tout espace est exploité.

Et pour peupler ce foutoir, Jackie dit « The Boss», D.A.dit « le styliste » et l'assistante dit « moi »

Gravitant autour de nous deux boutiques et une équipe commerciale, basée au fin fond d'une zone industrielle, que je ne voyais quasiment jamais. Pour le copinage je repasserai.

Quand je découvre ma table de travail pour la première fois, je me suis sentie un peu paumée et déçue. C'était une table de bureau d'une autre époque couleur « pas propre » sans doute récupérée à une autre enseigne du Groupe, qui aurait eu la bonne idée de renouveler son mobilier. Sur cette table poussiéreuse, des montagnes de chemises cartonnées de toutes les couleurs, des échantillons de chaussures, de cuir, des accessoires en tout genre...Un téléphone datant de la même époque que ma table trônait au milieu de ce foutoir. Sûre que j'aurais fait des envieuses dans les années 70 avec ce « téléphone standard téléphonique »... Des morceaux de papiers autocollants tous de tailles différentes et collés un peu partout à côté des touches : standard, courrier, Corinne, Reprographie, Livraison, Maman, Patrick R, Patrick G, 1, 2, Galeries Lafayette, Printemps,...J'en avais le tournis. Quant au matériel informatique je me suis dit que, soit Poulopo s'est arrêté d'évoluer en 1978 et là ça craignait, soit ils ont d'autres priorités que le parc informatique et cela ne les a pas empêché d'être une marque haut de gamme à succès. J'opte pour cette dernière option. L'écran était énorme...pas énorme comme énorme écran plasma dernier cri mais plutôt énorme comme gros caisson gris qui prend la moitié de la place sur la table. L'écran était posé sur sa tour et j'ai constaté que celle-ci était munie d'un lecteur de disquettes. Génial et tellement vintage! Quant au clavier, la poussière et la saleté en avaient tellement pris possession que lorsque j'ai tenté d'appuyer sur les touches les premières fois, mes doigts sont restés collés. A côté du téléphone, un pot à crayon...semblable à ce que votre enfant de 5 ans vous rapporte un jour pour la fête des mères. C'était beau et coloré, un peu difforme, rond et carré à la fois, touchant et mignon quand ça vient de votre enfant. Là ça n'était pas le cas. Pratique et avec du potentiel toutefois car dedans s'y trouvaient des critériums par dizaine, deux agrafeuses, une règle, du tipex, des post its (tout au fond du pot), des agrafes (pareil, au fond), des stylos bleu, vert, rouge et une perforeuse! Incroyable que tout ça se soit casé dans un si petit pot. Incroyable.

En face de moi, le poste de Jackie qui était la réplique  quasi exact du mien illustrant bien là ses affirmations sur l'égalité de traitement chez Poulopo. Même bureau, même téléphone, même pot de crayons (même cadeau de fêtes des Mères?)...sauf qu'à la place du gros et lourd ordinateur , il y avait un ordinateur portable. Sinon tout pareil.

Comme Jackie avait son bureau en face du mien, elle se devait d'avoir l'air complètement investie de sa mission de Directrice Générale de Poulopo. Elle était totalement bordélique et avait un tas de papiers et dossiers éparpillés un peu partout soutenant son objectif de se montrer débordée. Elle avait toujours un bloc note sur lequel je suppose, elle devait rédiger toutes ses grandes idées.

Lors de ma première journée chez Poulopo, j'ai pu être témoin de plusieurs conversations téléphoniques où Jackie s'est montrée fort énervée et virulente, tantôt avec ses collaborateurs :

«C'est la deuxième fois qu'elle me fait une connerie sur le tableau des prix. Ca me fait perdre du fric à chaque fois. Elle veut que je le déduise de son salaire? Non, ce serait pas assez. Alors tu vas essayer de manager ton équipe pour qu'ils arrêtent de me faire des erreurs de débutants. A plus. »

tantôt avec ses fournisseurs :

« Vous comprenez ce que je vous dis M. Goncalvo?! Non mais répondez-moi, est-ce que vous comprenez ce que je dis?! Vous avez 2 semaines de retard dans la livraison. Si je ne suis pas livrée demain, vous pouvez la garder votre marchandise! J'en ai assez de travailler avec des gens comme vous qui ne respecte pas les délais et qui ne répondent pas au téléphone! »

Aïe...elle devait avoir de bonnes raisons de hurler. Le hic c'est ce ton qu'elle prenait, humiliant et irrespectueux envers son interlocuteur. Je veux dire, on a le droit d'être énervé contre son fournisseur mais y'a manière et manière, là c'était dégradant...et gênant pour moi. Quoiqu'il en soit, je ne connaissais pas encore Jackie, je me dis que c'est une mauvaise journée pour elle.

Ce premier jour, Jackie avait gentiment pris la peine de m'expliquer mon poste en une matinée. Une formation express, vite faite bien faite! En 3 heures, j'avais fait le tour des services importants (courrier, reprographie, toilettes, services généraux, livraison, cantine,...), assimilé les grandes lignes du monde de la Grande Distribution, appris à utiliser l'ordinateur des années 70 (qui a pris 10 minutes à s'allumer), le téléphone, la machine à café, l'imprimante et le fax.

J'ai également été mise au parfum de tous les dossiers importants en cours : collection printemps-été prochain, collection automne-hiver en cours, usines de fabrication, équipes commerciales, vendeuses, tanneries, clients etc.

Un flot d'information. Comme toute première journée de travail dans une nouvelle entreprise!

A midi on avait déjeuné à la cantine. Jackie s'était fait plaisir en prenant entrée, plat et dessert. Jambon cru melon, steak haché et frites en guise de les légumes, et tarte aux pommes. De mon côté, je sentais déjà que je n'allais pas être amie amie avec la cantoche...Tout d'abord, parce qu'en pénétrant dans ce grand réfectoire, j'ai été rebutée par une entêtante odeur de chien mouillé et ensuite parce que j'avais l'impression de voir 3 fois les mêmes plats mais avec des appellations différentes : légumes à couscous, ratatouille et légumes à la provençale. Quand même! Par la suite, j'ai découvert aussi que ces mêmes plats étaient resservis le lendemain toujours avec une appellation différente...On agrémentait cette tambouille de thon et on la nommait alors Steak de thon et ses petits légumes à la provençale, ou alors on rajoutait des oeufs toujours à cette même tambouille pour l'appeler alors « omelette à la Portugaise ».Reconnaissant tout de même la créativité et les qualités marketing de l'équipe de cuisine.

Jackie m'avait vanté les mérites de la cantoche, justifiant le fait qu'on mangeait parfaitement équilibré et pour pas cher.

Je me suis rabattue sur les oeufs à la Portugaise et un fruit.

- « 0,95€ ma belle», m'avait déclaré la caissière. C'est sûr que c'est pas cher le repas! Vive les grands groupes!

Comme je n'avais pas eu le temps de créditer ma carte repas Jackie est venue à ma rescousse :

- « Je vais payer pour les deux plateaux. Tu me rembourseras plus tard!»

Un sou est un sou. Les bons comptes font les bons....?

Durant ce déjeuner Jackie m'avait encore parlé de sa brillante réussite, de ses compétences hors du commun et de ses débuts. Comment elle est partie de rien et comment à la sueur de son front, elle en est arrivée là aujourd'hui! Bon dis comme ça ça peut paraître prétentieux mais Jackie a parfaitement su présenter les choses. Elle s'est fait dégagée de son poste d'acheteuse godasses au moment de son congé maternité (retenez bien cette anecdote) et est revenue sur un autre poste dans une autre enseigne, a écrasé les collègues (dans la bouche de jackie, ça donne : « je ne bossais qu'avec des incompétents alors mon patron a vite compris que je valais mieux ») pour gravir les échelons et tada! Poulopo...jolie marque à relancer, Jackie a la gnac qu'il faut alors elle saisit l'occas et on lui confie le challenge...quelques années plus tard, tada! Jackie = big boss de Poulopo. Ascension fulgurante.

Puis, Jackie s'est également épanchée sur son expérience avec son ancienne assistante qui avait quitté le navire plusieurs mois auparavant. Elle aurait selon Jackie décidé de se ré-orienter vers l'éducation. De toute façon ça l'arrangeait Jackie. Elles ne formaient pas un bon binôme. Son ex-assistante n'avait pas le potentiel pour être bras droit. Elle disait que son ex-assistante préférait être à quatre pattes et appairer toute la journée les centaines de chaussures retournées par les VRP en fin de saison de vente (ah bon??).

« C 'était une vieille fille qui n'avait pas vraiment sa place dans une boite comme Poulopo. Elle n'était pas débrouillarde. Elle pleurait tout le temps, elle arrivait le matin complètement déprimée. Elle me racontait qu'elle avait pleuré toute la soirée et qu'en arrivant ce matin elle est allée vomir. Elle habitait chez ses parents à 40 ans, tu te rends compte!

Ca mettait une sale ambiance de bon matin. J'en pouvais plus. C'était une gentille fille mais elle avait vraiment pas le bon état d'esprit ».

Ah oui dis donc elle n’avait pas l'air bien dans ses baskets. Jackie était tellement emportée par son récit qu'elle en oublia les bonnes manières parlant la bouche pleine de steak haché mélangé aux frites que j'observais se faire broyer dans sa bouche. Erk.

Bref, au terme de cette première matinée, j'avais donc trié le courrier, répondu au téléphone, envoyé un coursier, fait le café, appairé les chaussures, ranger des documents dans les classeurs prévus à cet effet. Tout ce qu'on vous demande quand vous êtes assistante en gros! Mais j'avais le sentiment que mon rôle allait être bien plus capital que cela comme si je n'avais vu que la partie émergée de l'iceberg.

Un bilan étrange...j'ai remarqué au long de la journée que Jackie pouvait passer de la presque possible copine sympa à la boss abrupte et un brin colérique...C'est assez désagréable comme sensation, on se ne sait pas sur quel pied danser. Par exemple, après l'avoir entendu engueuler comme du poisson pourri son interlocuteur au téléphone, je suis longuement restée avec ma question administrative sur le bout des lèvres avant d'oser la lui poser. Et là, c'est très surprenant, Jackie se transforme totalement, passant du dragon qui crache le feu à un agneau tout doux qui prend le temps de me répondre. Comme si elle ne s'était pas rendue compte que j'ai été témoin de sa crise d'hystérie. Ou alors voulait-elle tester mon sens de la discrétion, qualité indispensable à toute bonne assistante de Direction.

Et moi je me disais qu'il y'a sans doute des jours comme ça, elle est tellement débordée et certainement ultra stressée, ça peut se comprendre ces petits pétages de plomb. Bon c'est vrai que le premier jour ça fait un peu peur...

 

27 mai 2011

Alice au pays des merveilles

« ...un monde surréaliste, coloré et ingénu, ou bien (comme) un endroit cauchemardesque dans lequel Alice se retrouve prise au piège d'un monde où la logique a été abandonnée au profit de la folie, un monde peuplé de personnages ambigus et inquiétants. » (Interprétation du Pays des Merveilles, Wikipedia)

 

« Quels sont vos trois qualités et défauts? » me demanda ma future boss -Non sérieusement, elle vient pas de me poser cette question ?! - J'ai toujours trouvé cette question tristement scolaire, débile et inutile, illustrant de toute évidence l'absence de discernement et de profondeur de la part de celui qui la pose. Comme si je n'avais que trois qualités...

« euh...organisée, rigoureuse et polyvalente... » (j'ai bon? J'ai bon?)

Pour les défauts, je ne me souviens plus ce que j'ai improvisé mais je me rappelle très bien l'aplomb avec lequel je l'ai fait. Certainement comme tout candidat pas trop neuneu,  j'ai dû m'inventer des défauts qui se trouvent en réalité être des qualités : exigeante, perfectionniste ou un truc de ce genre! Tout le monde sait très bien qu'en entretien, on a toutes les qualités du monde et bien sûr on sait tout faire : « les tableaux croisés dynamiques? Oui bien sûr, c'est ma spécialité ».

Bref, à part la question des qualités et défauts, Future Boss ne m'avait pas assommée de questions. En fait, Future boss n'a parlé que d'elle, de sa réussite, de ses méthodes, de ses supers valeurs et de  Poulopo...Et je dois dire que son discours était très engageant. Elle  avait rudement bien planifié son entreprise de carottage de la nouvelle cible en vue : moi.

Elle est venue m'accueillir en personne dans le hall du Groupe Mandrelli auquel appartient Poulopo. J'ai compris ensuite qu'elle n'avait de toute façon personne à envoyer me chercher à sa place n'ayant pas d'équipe sur place. Future Boss a justifié son accomplissement de cette tâche ingrate par l'absence d'assistant puisque c'est le poste pour lequel je postule!

 

Dans l'ascenseur qui menait à son bureau, Future Boss toutes dents dehors, trahissant une excitation bouillonnante comparable à celle du vampire ayant trouvé sa proie (d'un Edward Cullen devant sa Bella), s'est montré excessivement courtoise, avenante, gentille, douce me mettant à l'aise quasi instantanément :

 

« vous avez trouvé facilement? »  « le trajet n'était pas trop long? » « Où habitez vous déjà? En proche banlieue c'est ça ?» « moi j'habite à 5 minutes à pieds du bureau, c'est pratique ! Ha ha ha!»...Chaque phrase ponctuée d'un rire spontané ou d’un sourire généreux et sincère. Elle transpire la joie de vivre cette femme.

 

D'un pas assuré, je pénétrais dans ce qui allait devenir mon bureau...Un capharnaüm. Difficile de décrire le lieu. Seulement des qualificatifs : bordel, sale, confus, moche, décevant, fade, étouffant, vieillot.

 

J'ai pris l'initiative de m'installer face à Future Boss qui elle avait déjà pris place dans sa chaise. Là, un monsieur est arrivé, m'a saluée d'une poignée de main et s'est installé à la droite de Future Boss. Ptêt le DRH?

Future Boss s'est alors lancé dans une allocution de 20 minutes digne des plus grands conférenciers (j'crois qu'elle n'a même pas repris son souffle).Tout en se jetant des fleurs (que dis-je des gerbes entières) Future Boss m'a dépeint un tableau idéal de la vie chez Poulopo.

 

- « Poulopo c'est une petite marque qui a été relancée par D.A. et moi-même il y a quelques années.

(ah ok lui, ça doit être D.A.).

Nous sommes partis de rien, juste du nom de la marque. Poulopo c'est le fruit de nos deux savoirs-faire et surtout de notre passion commune. Nous nous sommes investis corps et âmes dans cette grande aventure pour faire de Poulopo une marque authentique fidèle à nos valeurs et à notre éthique. Nous avons voulu faire de Poulopo le porte parole de nos valeurs qui sont la générosité, l'humanité, la simplicité et bien sûr l'authenticité. Nous nous faisons le devoir de transmettre ces valeurs à nos équipes afin que travailler pour Poulopo soit une belle aventure pour tous (…).

 

J'écoutais pieusement le discours de Jackie lorsque j'ai été soudainement extraite de ma béatitude par D.A, que je remarquais entrain de trifouiller allégrement sa narine droite de son gros index...tout en me regardant. Gênée et sentant se pointer le fou rire nerveux, j'avais baissé le regard puis me suis rendue compte que passer l'entretien à regarder la moquette marron dégueulasse n'allait pas jouer en ma faveur. J'ai alors décidé de poser mon regard légèrement au dessus de la tête de Jackie, stratégie qui m'a permis d'éviter le gros index dans la narine de D.A.et de donner l'impression de regarder mon interlocuteur dans les yeux. Ouf, j'étais sauvée...

 

- « (…) Ainsi dans sa façon de gérer l'humain, Poulopo veut aussi transmettre sa philosophie. Nous sommes tous égaux, sauf bien entendu dans les responsabilités. Ici il n'y a pas de hiérarchie poussiéreuse avec d'un côté le patron et de l'autre les employés. C'est un management humain respectueux de l'autre. Chacun a un potentiel qu'il peut laisser s'exprimer. C'est en appliquant ces principes que Poulopo se distingue des autres marques, nous sommes une entreprise humaine et unique. Nous voulons une équipe passionnée, impliquée et épanouie dans son travail. Loin des clichés de la Mode, Poulopo vous le constaterez rapidement si vous intégrez notre société, c'est plus qu'une marque, c'est un état d'esprit (...)»

Et puis on est très attachés au fait que chacun préserve sa vie perso. C'est important de pouvoir vaquer à ses occupations extra professionnelles et ne pas sacrifier sa vie pour son boulot. Il n'y a pas que Poulopo dans la vie, en tout cas il n'y a pas que Poulopo dans la nôtre! Ha ha ha! Quand on sort du bureau on a nôtre vie, on laisse le boulot derrière et on y retourne le lendemain. Il faut savoir déconnecter, faire la part des choses. C'est beaucoup plus sain et on travaille mieux ainsi.

 

Je crois que j'ai pleuré. A cet instant j'étais prête à travailler gratuitement.

 

C'est à la suite de cet émouvant et superbe discours que j'ai enchaîné sur mes qualités et défauts. Mon discours à moi a duré 52 secondes...Le temps nécessaire, je pense, à Future Boss pour constater que je savais lire et écrire et par conséquent, que je faisais l'affaire.

Future Boss m'a fait une description de poste un peu brouillon et assez vague.

- «J'ai besoin d'un bras droit sur lequel je peux entièrement me reposer. Vous comprenez qu'au vue de mes responsabilités et de la charge de travail qui en résulte, il faut que je puisse me décharger. Je ne peux plus tout faire. En réalité, c'est vous qui définirez et donnerez du relief à votre poste. Vous êtes libre de le rendre intéressant si vous en avez envie. Et si vous avez la volonté d'évoluer, avec Poulopo vous êtes tombée au bon endroit! Si vous en avez le potentiel et surtout l'envie, vous vous verrez confier des missions aussi intéressantes les unes que les autres. Vous toucherez à tous les domaines»

- « Ca me semble tout à fait passionnant » ai-je dit avec sincérité.

 

Je me suis moi-même lancée dans un numéro de charme qui, je dois l'avouer n'avait pas beaucoup à envier à celui de Future Boss : assise bien droite sur ma chaise, la tête haute, la poitrine bien en avant, mes mains délicatement croisées et posées sur la table, de la retenue dans l'attitude tout en laissant deviner la dose nécessaire de sensibilité, la voix posée et les réponses dignes du super candidat. Ensuite, restait plus qu'à flatter Future Boss ostensiblement...plus c'est excessif et parfois à la limite du foutage de gueule, plus ils aiment. Alors je suis comme ça moi, j'ai donné do-do-donné :

- « oui, oui, bien sûr, je connaissais Poulopo avant de vous rencontrer. D'ailleurs, un jour, une amie m'a avoué avoir fait une folie lors d'une virée shopping en ayant acheté une paire de Poulopo » (c'est vrai pour l'anecdote, par contre la marque j'en suis moins sûre)

- « Ah oui? » Me lâchent le duo star. « c’était quel modèle ?» toujours à l'unisson.

Et pour finir, en choeur : « C'est pas le modèle Cotcot? »

Emue devant autant de communion et ne voulant pas décevoir mes interlocuteurs, je n'ai pu m'empêcher de rétorquer : « oui c'est bien ça! Le modèle Cotcot! »

« une interview récente du styliste dans le magazine Beauté Divine? Oui bien sûr je l'ai lu. D'ailleurs faut que je reparte d'ici avec votre autographe ». Là je dois l'avouer, ça a marché du tonnerre. Styliste m'a même proposé un café et apporté une petite bouteille d'eau en plastique. Engageant vous dis-je.

 

L'aventure...c'est en ces termes que future boss définissait une expérience professionnelle chez Poulopo.
Et moi, après tout son déballage racoleur digne d'un spot pub à gros budget, j'ai cédé à la tentation, je voulais connaître ce monde merveilleux où tout le monde il serait beau et heureux de travailler. Telle une Alice au Pays des merveilles moderne découvrant le monde de Poulopo, je me suis laissée charmer. Car bien au delà de la marque de « baskets mode haut de gamme limite luxe » qu'elle représente, Poulopo promettait une passionnante aventure et surtout une rencontre humaine unique.

A 30 ans passés, je postulais pour être assistante de Direction. Après plusieurs mois de franche galère à enchaîner les entretiens, tombant tantôt sur le DirCom à l'hygiène visiblement douteuse, qu'on devine détestable et intenable juste à la manière dont il agite névrotiquement sa jambe tout le long de l'entretien, ou alors sur la responsable de service cheftaine autoritaire et hautaine qui vous glace le sang d'un regard et qui en entretien de recrutement cherche sans relâche à vous déstabiliser! J'avais hâte de retrouver un poste et d'intégrer une entreprise à taille humaine (je ne suis même pas sûre de ce que j'entends pas là...). J'avais véritablement envie de trouver la boîte sympa dans laquelle on me ferait confiance et grâce à laquelle j'atteindrai le nirvana professionnel (oui roh ça va, vous moquez pas!). Enfin, ce que je veux dire c'est que je ne suis pas carriériste du tout, les dents qui rayent le parquet, pas mon truc. J'aspirais simplement à une certaine harmonie dans ma fonction et dans mes relations avec les collègues.

L'urgence de trouver un job et le discours alléchant de Future Boss m'ont convaincue que le poste était fait pour moi!

Comme cette dernière a dû renifler un énorme potentiel chez moi, elle s'est empressée de me téléphoner quelques heures après l'entretien. Dis donc, j'ai dû faire un super effet (ça doit être mes 3 qualités). Je me souviens aussi avoir essayé de négocier un salaire en cohérence avec mon expérience. Pas carriériste mais fallait bien payer les factures quand même! Future Boss m'a rétorqué avec fermeté qu'elle ne concevait pas qu'une  assistante (ah bon? C'est pas bras droit?) soit payée à ce niveau de salaire . Pout...un peu agressive la réponse...mais bon...

J'avais besoin de beurre dans mes épinards alors j'accepte. Et puis je peux bien faire un sacrifice sur mon salaire, Poulopo en valait la peine. Je me suis laissée aller à rêver : « bras droit...bras droit... »Bon sur la fiche de paye y'a pas écrit bras droit mais c'est parce que ça n'existe pas comme métier...alors y'a écrit "assistante". C'est pour commencer et puis c'est pas très grave car j'allais intégrer la boite dont tout le monde rêve j'en étais sûre...

 

 

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